(Paris) Emmanuel Macron a été le premier à sonner la cloche de la « liberté retrouvée ».

Dès 8 h 30 mercredi, le président de la République a pris un café en terrasse avec son premier ministre Jean Castex, pour inaugurer le premier jour du déconfinement progressif dans l’Hexagone.

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Le président Emmanuel Macron (à droite) et le premier ministre Jean Castex

Cette mise en scène médiatisée avait pour but d’inviter les Français à « rester prudents » malgré l’euphorie due à la réouverture des terrasses, des lieux de culture et des commerces non essentiels, qui étaient dans certains cas fermés depuis plus de six mois.

Mais sans surprise, les conseils du chef de l’État n’ont pas empêché les Parisiens de se rassembler collés-collés pour célébrer ce début de retour à la « vie normale ». Survol d’une journée historique…

Midi : La Joconde sans les touristes

C’est peut-être le grand retour de la culture, mais au Louvre, on est très loin de l’achalandage habituel.

Devant la grande pyramide de verre, aucune file, zéro touriste. Certains Parisiens sont d’ailleurs venus justement pour cette raison. « On en profite », lance Marie Dugué, qui a prévu de faire voir La Joconde à ses deux enfants.

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Des visiteurs admirent La Joconde au Louvre, mercredi.

Pour d’autres, il s’agit plutôt de reprendre de vieilles habitudes. On a par exemple croisé plusieurs « amis du musée » ainsi que des étudiants en art venus parfaire leurs connaissances.

« C’était un rendez-vous inévitable », résume tout simplement Paola Caron.

Musées, théâtres et salles de cinéma étaient fermés depuis la fin d’octobre. Mais les conditions restent strictes pour l’instant : jauge de 8 m2 par personne dans les musées et limite à 35 % de la capacité maximale dans les salles de théâtre et de cinéma.

13 h : le champ de bataille

La COVID-19 a frappé de plein fouet les secteurs les plus touristiques de Paris. C’est particulièrement visible rue de l’Opéra, où on a l’impression de compter les morts sur un champ de bataille. Les locaux fermés, placardés ou « à louer » se succèdent sur plusieurs mètres, là où l’on brassait jadis de bonnes affaires.

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Commerce fermé, rue de l’Opéra

Vous pouvez l’écrire : 21 commerces ont fermé sur la rue depuis le début de la crise. C’est très dur.

Thomas Villa, responsable du magasin Daniel Hechter, rue de l’Opéra

L’augmentation du télétravail n’a pas aidé. Les bureaux du quartier ont été désertés. Tout comme sa boutique au moment de notre passage. « Avant la crise, à la même heure, il y aurait eu plus de clients », ajoute-t-il.

14 h : retour en boutique

C’est plus animé au Printemps… sans pour autant être la cohue. Dans le mythique grand magasin du boulevard Haussmann, fermé depuis fin janvier, la « distanciation » s’impose naturellement et plusieurs vendeurs se tournent les pouces dans l’attente d’éventuels acheteurs.

Les client(e)s qui se sont déplacés semblent toutefois ravis de pouvoir s’y remettre. « J’attendais ce moment avec impatience », lance Fabienne Martin, fidèle de l’établissement, qui est venue « jeter un coup œil sur les nouveautés ».

Un peu plus loin, Rafaela Silva est encore plus extatique. Elle a déjà dépensé des centaines d’euros et n’a visiblement pas fini sa tournée.

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Rafaela Silva, au magasin Le Printemps

Trois mois sans shopping, ça fait tourner la tête ! Acheter sur l’internet ? Ce n’est pas pareil. Ici, on marche, on regarde, on sent. C’est mieux.

Rafaela Silva

15 h : soulagement et inquiétude

Fin de service au restaurant Le Mesturet, dans le 2arrondissement. Le patron, Alain Fontaine, se dit « excité » et « soulagé » par la reprise des activités, mais ne cache pas son inquiétude pour la suite des choses.

En tant que président de l’Association française des maîtres restaurateurs, il craint tout particulièrement la fin des aides gouvernementales, annoncée pour le mois de septembre. « Cette dégressivité nous paraît trop rapide, parce qu’on n’aura pas encore le recul… »

La grande incertitude, dit-il, concerne principalement le retour des touristes et la prégnance du télétravail. Sans parler de la « concurrence déloyale » des entreprises de vente à emporter.

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Alain Fontaine, du restaurant Le Mesturet

Il va falloir traverser la prochaine année avec beaucoup de prudence et faire de la gestion chirurgicale, pour éviter qu’il y ait trop de casse.

Alain Fontaine, du restaurant Le Mesturet

Selon ses estimations, 20 % des 36 000 bistrots que compte la France pourraient ne pas s’en remettre…

17 h : le retour du « happy hour »

Les terrasses ont repris leurs activités depuis le matin. Mais c’est maintenant que ça se passe. À peine sortis du boulot, ils sont des milliers à se ruer sur la bière du 5 à 7, appelé ici le « happy hour ».

Pour les Français en général, et les Parisiens en particulier, le verre en terrasse est une seconde nature. Dans la capitale, c’est ici qu’on se retrouve, qu’on fait des rencontres ou qu’on se donne des rendez-vous « pro ».

Autant dire que ce retour à la « vraie vie », après sept mois de parenthèse, était attendu. Surtout pour les plus jeunes, qui renouent ici avec une grande partie de leur vie sociale.

« Je pense à cette bière depuis ce matin et j’y ai pensé toute la journée. J’habite tout seul et j’avais vraiment très envie de ça », résume Léo Lesieur, assis à L’Éphémère, près de la place de la République.

« Ce n’est pas seulement pour les terrasses. C’est pour voir les gens. Ce qu’il y a autour. La rue est plus vivante », renchérit Yann Dupont, interrogé trois cafés plus loin, à La Petite Porte du faubourg Saint-Martin.

Les règles de distanciation ? La jauge à 50 % ? Oubliez ça. Toutes les terrasses sont remplies au maximum. On pourrait presque se marcher dessus, tant les clients sont assis les uns sur les autres.

Signe d’un véritable retour à la normale : on a même recommencé à se faire la bise. C’est tout dire.

Tomber le masque

Le déconfinement progressif se poursuivra en France le 9 juin avec l’ouverture des bars et des restaurants à l’intérieur. Le 30 juin, si tout va bien, on aura levé toutes les restrictions.

Alors que l’embellie se poursuit dans les hôpitaux, avec moins de 4000 patients en service de réanimation mercredi, et que la campagne de vaccination s’accélère, on parle même de tomber le masque en extérieur à l’été.

Certaines villes ou préfectures n’ont d’ailleurs pas attendu cet horizon estival : à Arcachon, haut lieu du tourisme balnéaire, le masque n’est plus obligatoire dans l’espace public depuis mercredi. Idem en Moselle et en Charente-Maritime, où certaines communes et zones moins peuplées ont commencé à abandonner le couvre-visage.

Plus de 21 millions de Français ont reçu une première dose de vaccin, soit 31,5 % de la population. Près de 10 millions sont totalement vaccinés.

Avec l’Agence France-Presse