(Sofia) Le Turc Mehmet Ali Agça, qui avait tenté d’assassiner Jean Paul II il y a 40 ans, a affirmé, dans une interview diffusée jeudi, que les Bulgares accusés à l’époque avaient été « sacrifiés » sur l’autel de la Guerre froide.

« C’était une question de guerre internationale. Il y avait une guerre entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie, entre les États-Unis et l’Union soviétique, entre le Vatican et le communisme, et dans une guerre internationale il y aura toujours des tragédies humaines », a-t-il déclaré dans un rare entretien avec la chaîne de télévision bulgare Nova, qui en a montré de premiers extraits.

La dernière d'une série de versions

Ali Agça, 63 ans, a livré par le passé de nombreuses versions pour expliquer son geste, dont le mobile reste mystérieux malgré l’ouverture de dizaines d’enquêtes.

Des doutes ont été émis à plusieurs reprises sur sa santé mentale.

PHOTO OZAN KOSE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Dans cette photo prise le 27 novembre 2014, Mehmet Ali Agca, le Turc qui a tenté d'assassiner le pape Jean-Paul II en 1981, tient une conférence de presse à Istanbul. Des doutes ont été émis à plusieurs reprises sur sa santé mentale.

Après son arrestation, dans des propos confus, contradictoires et exaltés, il avait d’abord montré du doigt le KGB et une « piste » bulgare comme ayant été derrière l’attentat, commis le 13 mai 1981 pendant que le pape traversait une foule de 20 000 fidèles sur la place Saint-Pierre.  

« A l’époque, oui, je les ai désignés, mais c’était nécessaire à ce moment-là », a-t-il expliqué à la chaîne Nova.

Trois Bulgares, à savoir deux diplomates et le chef d’escale de la compagnie aérienne Balkan, Sergueï Antonov, avaient été accusés de complicité dans la foulée.

Ce dernier, le seul à encore se trouver à Rome, avait alors été arrêté. Après plusieurs années derrière les barreaux, il sera relâché « pour insuffisance de preuves » en 1986 à l’issue d’un procès très médiatisé.  

Il était ensuite retourné dans son pays où il vivait depuis dans le dénuement et souffrait de troubles psychiques.

Jean-Paul II n'y a jamais cru

La thèse d’une implication de la Bulgarie communiste et de ses services secrets proches du Kremlin, en raison du soutien apporté par Jean Paul II au tout jeune mouvement dissident Solidarnosc en Pologne, n’a jamais été démontrée.

Au cours d’une visite en Bulgarie en 2002, trois ans avant sa mort, le pape Jean-Paul II avait lui aussi déclaré qu’il n’avait « jamais cru à une filière bulgare ».

« La Bulgarie est innocente dans l’attaque contre le pape. C’est un fait », a affirmé Mehmet Ali Agça dans cette interview réalisée en italien.

« Quand il s’agit d’une guerre à l’échelle internationale, de telles choses arrivent. Les Bulgares étaient, disons, sacrifiés. Sacrifiés », a ajouté l’ancien extrémiste musulman, qui vit désormais dans une banlieue d’Istanbul.

Membre du groupe ultranationaliste les « Loups gris » au moment des faits, il a passé près de 30 ans en prison pour cette tentative d’assassinat et d’autres crimes commis en Turquie, avant d’être libéré en 2010.