(Vladimir) L’opposant russe Alexeï Navalny, en grève de la faim, est extrêmement affaibli et mal soigné dans un hôpital pour prisonniers tuberculeux, se sont alarmés mardi ses avocats, qui ont réclamé son transfert à Moscou après lui avoir rendu visite.

L’adversaire du Kremlin, qui a cessé de s’alimenter il y a trois semaines, se trouve depuis dimanche soir dans une unité carcérale hospitalière de Vladimir, au nord-est de la capitale russe. Ses proches affirment qu’il risque de mourir à tout moment.

Dans une publication sur Instagram, mise en ligne après la visite de ses conseils, le détracteur le plus en vue de Vladimir Poutine s’est décrit comme « un squelette déambulant dans une cellule ».  

« Il est très faible, il a du mal à s’asseoir et à parler », a déclaré aux journalistes son avocate, Olga Mikhaïlova, assurant qu’il « ne reçoit pas d’aide médicale » appropriée.  

Elle a réclamé son transfert immédiat « dans un hôpital civil » à Moscou « pour l’empêcher de mourir ».

Quelques heures auparavant, plusieurs médecins soutenant l’opposant ont été refoulés de l’hôpital sans pouvoir le rencontrer, comme à chaque fois depuis son incarcération début mars.

Dans des déclarations à l’AFP, la médecin personnelle d’Alexeï Navalny et dirigeante d’un syndicat d’opposition, Anastassia Vassilieva, a dénoncé une « attitude très irrespectueuse », évoquant son « devoir médical d’aider un patient ».

La pression occidentale sur Moscou reste importante, mais sans effet.

La chancelière allemande Angela Merkel s’est dite mardi « extrêmement préoccupée » et a affirmé travailler pour s’assurer qu’il reçoive des soins appropriés.

Les États-Unis ont quant à eux exhorté le même jour, par la voix du Département d’État, la Russie à autoriser à des médecins « indépendants » de voir « immédiatement » Alexeï Navalny et l’ont de nouveau prévenue qu’elle subirait des « conséquences » s’il devait lui arriver quelque chose pendant sa détention

L’intéressé a remercié sur Instagram « l’énorme soutien » qu’il reçoit « de Russie et du monde entier ».  

Alexeï Navalny a arrêté de s’alimenter le 31 mars pour protester contre ses conditions de détention, accusant notamment l’administration pénitentiaire de lui refuser la visite d’un médecin alors qu’il souffre du dos et de perte de sensibilité aux jambes et aux bras.

Il avait été arrêté en janvier, sitôt rentré en Russie après cinq mois de convalescence en Allemagne pour un empoisonnement dont il accuse Vladimir Poutine en personne.

Il s’est vu infliger deux ans et demi de prison pour une vieille affaire de fraude qu’il considère comme politique.

Manifestations annoncées

Les services pénitentiaires ont assuré lundi, en annonçant son hospitalisation dans un hôpital pour prisonniers tuberculeux, que son état de santé était « satisfaisant ».

Un proche, Léonid Volkov, a dénoncé un transfert « dans un camp de concentration et de torture et non à l’hôpital ».

Sa mère, Lioudmila, a de son côté estimé que la colonie pénitentiaire où il est hospitalisé était « pire » que la précédente.

Le sort de l’opposant, et plus globalement les relations entre Bruxelles et Moscou, était au programme lundi d’une réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept.

Le diplomate en chef de l’UE, Josep Borrell, a tenu les autorités russes « responsables » de la santé d’Alexeï Navalny.

De son côté, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a transmis des questions à Moscou, s’inquiétant de savoir si ses conditions de détention sont « compatibles avec son droit à la vie ».

Droit dans leurs bottes, les responsables russes continuent de qualifier d’ingérences les critiques occidentales.

Les partisans de l’opposant ont appelé à des manifestations dans toute la Russie mercredi, le jour du discours annuel de Vladimir Poutine. Selon eux, des mobilisations auront lieu dans au moins 106 villes en dépit des interdictions des autorités.

Des perquisitions ont par ailleurs été effectuées dans les bureaux de l’organisation de Navalny à Krasnoïarsk (Sibérie) et chez le coordinateur du mouvement à Belgorod (sud de Moscou). D’autres cadres ont été incarcérés dans plusieurs autres villes.  

Le ministère de l’Intérieur a d’emblée prévenu qu’il prendrait « les mesures qui s’imposent » contre les manifestations non autorisées.  

Le Parquet a quant à lui annoncé vendredi dernier son intention de faire interdire le Fonds de lutte contre la corruption (FBK) de M. Navalny pour « extrémisme ».

Dans un communiqué, il a encore estimé mardi que le FBK « déstabilisait la situation sociopolitique […] avec des appels aux actions violentes » et en « tentant d’impliquer des mineurs », ceci sur ordre de « divers centres situés à l’étranger ».