Au début d’avril, l’Italie a rendu le vaccin obligatoire pour le personnel médical. Un refus mènera à une suspension sans salaire. Mais déjà, des voies de contournement apparaissent. 

Une infirmière sicilienne

Le décret a été adopté après une controverse sur une infirmière sicilienne qui a refusé de recevoir le vaccin contre la COVID-19 et a eu gain de cause à un tribunal du travail. « On avait beaucoup d’entreprises qui nous demandaient ce qu’elles pouvaient faire avec des employés refusant de se faire vacciner », explique Francesco D’Avanzo, avocat au cabinet milanais Gattai, Minoli, Agostinelli, qui a publié plusieurs analyses sur la question sur le site spécialisé Quotidiano Giuridico. « Le gouvernement a voulu clarifier la question. Dorénavant, un employeur du secteur de la santé peut suspendre sans salaire un employé qui refuse de se faire vacciner. Il faudra voir ce qui se passe avec les gens qui ne sont pas en contact avec les malades, ou le personnel non médical comme les concierges, mais je crois que la règle s’appliquera aussi. »

Risque de contestation constitutionnelle ?

Comme il n’a pas encore été scientifiquement prouvé que le vaccin réduit la contagion, n’y a-t-il pas le risque d’une contestation constitutionnelle ? « Non, ça ne marchera pas, dit Me D’Avanzo, avocat au cabinet milanais Gattai, Minoli, Agostinelli. Dans les lois italiennes du travail, un instrument sanitaire n’a pas à être prouvé hors de tout doute, s’il a une efficacité probable et si c’est l’un des plus importants pour le but recherché ou alors si c’est le seul instrument disponible. C’est un instrument, une technique. »

Les syndicats en faveur

Tous les syndicats de la santé ont appuyé l’obligation vaccinale, malgré les sanctions, selon Me D’Avanzo. « Leur priorité, c’est le maintien des emplois, dit l’avocat milanais. Le gouvernement interdit depuis mars 2020 les licenciements pour cause de réorganisation ou pour des raisons économiques. C’est une mesure très forte, à laquelle les syndicats tiennent beaucoup. » Cela signifie qu’une entreprise qui perd des revenus doit garder tous ses employés. Seuls les employés ayant un contrat à durée indéterminée sont cependant touchés, et beaucoup d’employeurs, en Italie, notamment dans les services, ne donnent que des contrats à durée déterminée.

Pas au Québec

Au début d’avril, le ministère de la Santé du Québec a décrété que certains employés du réseau de la santé devront être vaccinés. S’ils refusent, ils peuvent garder leur poste en faisant trois dépistages préventifs par semaine. Et s’ils refusent aussi les tests, ils peuvent être réaffectés. L’hiver dernier, l’Institut national de santé publique avait estimé qu’il n’était pas « éthique » d’obliger les employés du réseau de la santé à se faire vacciner.

Billet du médecin

La loi portant sur la vaccination des employés de la santé prévoit qu’un employé ayant un billet du médecin affirmant que le vaccin est dangereux pour son patient doit être réaffecté au lieu d’être suspendu sans salaire. Les médias italiens ont rapporté des cas anonymes d’employés ayant facilement obtenu cette dérogation. « Selon ce que je comprends, il est facile pour un gestionnaire de contester un billet du médecin citant des risques non reconnus par la médecine, dit Me D’Avanzo. Mais ça dépendra de la volonté du gestionnaire. »

Un Italien aux États-Unis

Alessandro Sette est un immunologue d’origine italienne qui travaille à l’Université de Californie à San Diego. Il a publié plusieurs études sur la réaction immunitaire contre la COVID-19. Il n’est pas surpris par la loi italienne, mais il estime qu’elle serait difficile à appliquer en Amérique du Nord. « Aux États-Unis, les règlements sur les masques et sur les vaccins ont pris une connotation politique qu’ils n’ont pas en Italie. Il y a aussi de la contestation chez vous au Canada, selon ce que je comprends. En plus, l’Italie est dirigée par un gouvernement de coalition, ce qui rend le message plus fort. »