(Moscou) La Russie a riposté vendredi aux nouvelles sanctions américaines, avec notamment l’expulsion de diplomates et l’interdiction faite à de hauts responsables d’entrer sur son territoire, conduisant les États-Unis à dénoncer une « escalade regrettable » et à menacer Moscou d’une énième contre-attaque.

Les deux puissances rivales soufflent le chaud et le froid, annonçant coup sur coup sanctions et contre-sanctions tout en assurant vouloir une « désescalade » des tensions et en envisageant ouvertement un prochain sommet entre Vladimir Poutine et Joe Biden.

Les relations américano-russes n’ont cessé de se dégrader sur fond d’accusations par Washington d’ingérence dans l’élection présidentielle américaine de 2020, d’espionnage et de cyberattaques.

Le président Biden a annoncé jeudi des sanctions contre plusieurs personnes et entités russes, l’expulsion de dix diplomates russes et l’interdiction faite aux banques américaines d’acheter directement de la dette émise par la Russie après le 14 juin prochain.

La réponse de Moscou n’a pas tardé.

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a décidé vendredi d’expulser à son tour dix diplomates américains, et dévoilé diverses restrictions qui compliqueront la vie des représentations américaines en Russie, ainsi que l’interdiction sur son territoire des fondations et ONG américaines qui « s’ingèrent ouvertement » dans sa politique intérieure.

Plusieurs membres du gouvernement de Joe Biden ne seront en outre plus autorisés par la Russie à y séjourner : il s’agit des ministres de la Justice, de la Sécurité intérieure, de la conseillère en politique intérieure, du patron du FBI et de la directrice du renseignement.

Sergueï Lavrov a également annoncé que Moscou avait « recommandé » à l’ambassadeur des États-Unis, John Sullivan, de rentrer à Washington pour « des consultations approfondies et sérieuses ».  

L’ambassadeur de Russie à Washington, Anatoli Antonov, avait quant à lui été rappelé dans son pays dès le 17 mars, après que Joe Biden eut qualifié Vladimir Poutine de « tueur ».

Selon lui, Moscou se réserve le droit de prendre d’autres « mesures douloureuses » visant les entreprises américaines, mais les « garde en réserve ».

Sommet à l’étude

Le président américain, assurant que ses sanctions étaient mesurées, avait estimé jeudi que « le moment de la désescalade » était « venu ».

Mais vendredi, Washington a dénoncé « une escalade regrettable » de la part du gouvernement russe.

« Il n’est pas dans notre intérêt d’entrer dans un cycle d’escalade des tensions, mais nous nous réservons le droit de répondre à toutes représailles russes contre les États-Unis », a dit un porte-parole de la diplomatie américaine

De son côté, le Kremlin s’était montré plutôt satisfait des mots de Joe Biden, qui a renouvelé jeudi son offre d’un sommet avec son homologue russe « cet été en Europe » pour « lancer un dialogue stratégique sur la stabilité ».

« Le président Poutine a (le premier) parlé de la nécessité de normaliser les relations et d’une désescalade », a répondu son porte-parole Dmitri Peskov. Il a jugé « positif » que les « points de vue des deux chefs d’État coïncident ».

Le ministère russe des Affaires étrangères a lui aussi annoncé vendredi voir « de manière positive » et examiner l’idée américaine d’une rencontre bilatérale, que la Finlande et l’Autriche se sont dites prêtes à accueillir.

Depuis son arrivée au pouvoir, Joe Biden promettait d’être nettement plus ferme que son prédécesseur Donald Trump, accusé de complaisance à l’égard du maître du Kremlin.

Tensions autour de l’Ukraine

La Russie et les États-Unis ont vu leurs relations considérablement se dégrader depuis 2014 et l’annexion russe de la péninsule ukrainienne de Crimée. Même sous Donald Trump, qui ne cachait pas apprécier Vladimir Poutine, Washington a multiplié les sanctions.  

Celles annoncées jeudi sont une riposte à la gigantesque cyberattaque de 2020, dont la Russie a été accusée et qui a utilisé comme vecteur SolarWinds, un éditeur américain de logiciels dont un produit a été piraté pour introduire une faille chez ses utilisateurs, y compris plusieurs agences fédérales américaines.

Ce ballet russo-américain intervient à l’heure de tensions russo-ukrainiennes croissantes, l’Ukraine reprochant à Moscou de chercher un casus belli pour l’envahir et la Russie affirmant que Kiev prépare une offensive contre les séparatistes prorusses de l’Est ukrainien.

Les Occidentaux ont appelé Moscou à réduire ses forces dans la zone et témoigné leur soutien à Kiev. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est à cet égard entretenu vendredi avec le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel.

M. Zelensky, qui était à Paris, a dit espérer une reprise de la trêve dans le conflit avec les séparatistes prorusses la semaine prochaine et appelé à l’organisation d’un sommet avec Vladimir Poutine, sous médiation franco-allemande.