(Bruxelles) L’Union européenne, confrontée à des problèmes de livraisons de vaccins au cœur d’un vif différend entre Bruxelles et Londres, s’est dite prête jeudi à bloquer les exportations d’AstraZeneca, lors d’un sommet virtuel auquel a participé le président américain Joe Biden qui a annoncé le doublement de son objectif de vaccinations.

Alors qu’une troisième vague épidémique déferle sur l’Europe, la Commission européenne a renforcé son mécanisme de contrôle des exportations pour les restreindre drastiquement vers les pays qui en produisent ou dont la population est déjà largement vaccinée.

Le mécanisme a déclenché l’ire du Royaume-Uni, premier destinataire des doses exportées hors du continent. Même si Londres et l’UE se sont engagés à trouver une solution et pourraient parvenir à un accord dès samedi, croit savoir le premier ministre néerlandais Mark Rutte.

Interrogée à l’issue de la réunion des 27, la présidente de l’exécutif européen Ursula von der Leyen a prévenu : le laboratoire suédo-britannique AstraZeneca, qui n’a livré aux Vingt-Sept que 30 des 120 millions de doses promises au 1er trimestre, « devra d’abord rattraper son retard » et honorer son contrat avant de pouvoir exporter hors du continent.

« Fin de la naïveté »

C’est « la fin de la naïveté », a jugé le président français Emmanuel Macron devant la presse. « Nous devons bloquer toutes les exportations aussi longtemps que des laboratoires ne respectent pas leurs engagements avec des Européens », a-t-il soutenu.

L’UE a exporté quelque 21 millions de doses, tous vaccins confondus, vers le Royaume-Uni, mais n’a reçu en retour aucune dose produite outre-Manche, alors que le contrat signé par AstraZeneca prévoyait la livraison de doses provenant de deux usines britanniques. L’entreprise a expliqué que son contrat avec Londres l’obligeait à honorer en priorité les commandes britanniques.

Selon un calcul de l’assureur-crédit Euler Hermes, le retard de l’UE dans son calendrier vaccinal, désormais de sept semaines, pourrait coûter à son économie 123 milliards d’euros en 2021.

Dans leur déclaration finale, les Vingt-Sept soulignent qu’« accélérer la production, les livraisons et le déploiement des vaccins reste essentiel et urgent pour surmonter la crise », et que « les efforts en ce sens doivent être intensifiés ».

Dans la soirée, le président américain Joe Biden s’est joint à la réunion virtuelle, peu après sa première conférence de presse à la Maison-Blanche. Il y a annoncé doubler son objectif de vaccinations contre la COVID-19 pour les 100 premiers jours de son mandat, le portant à 200 millions. « Nous aurons procédé à 200 millions d’injections d’ici mon centième jour en fonction », a-t-il promis.

Retard des vaccins Covax

AstraZeneca, critiqué par le régulateur américain pour lui avoir fourni des données « obsolètes » sur ses essais cliniques, a abaissé l’efficacité de son vaccin à 76 % contre les cas symptomatiques de la maladie, au lieu de 79 % déclarés initialement.

Le Danemark a lui prolongé de trois semaines la suspension du vaccin AstraZeneca, pourtant déclaré « sûr et efficace » par le régulateur européen et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les autorités danoises ont besoin de « plus de temps » pour exclure entièrement un lien entre quelques cas connus de caillots sanguins, rares, mais graves, et la vaccination avec ce sérum.

Autre problème concernant AstraZeneca : les doses produites par le Serum Institute of India, « qui devaient être expédiées en mars et avril » via le système Covax d’aide aux pays défavorisés, « vont être retardées faute d’avoir obtenu des licences d’exportation » de l’Inde, qui fait face à une demande locale accrue et un regain de contaminations, selon un porte-parole de l’Alliance du Vaccin (Gavi).

Le système international Covax vise à fournir cette année des doses à 20 % de la population de près de 200 pays et territoires, et comporte un mécanisme de financement visant à aider 92 pays défavorisés.

La pandémie a fait au moins 2 745 337 morts dans le monde depuis fin 2019, selon un comptage jeudi de l’AFP.

200 000 morts au Mexique

Sur la journée de mercredi, au moins 10 063 décès et 624 777 nouveaux cas ont été recensés dans le monde.  

Le Brésil, pays le plus endeuillé avec plus de 300 000 morts, a détecté jeudi pour la première fois plus de 100 000 nouveaux cas de COVID-19 en 24 heures et déploré le plus grand nombre de nouveaux décès quotidiens (2777). Suivent les États-Unis (1249 décès en 24 h) et le Mexique, qui a franchi jeudi la barre des 200 000 morts du virus.

Les services de soins intensifs brésiliens sont au bord de la rupture. La presse a rapporté des situations dramatiques : corps entassés dans les couloirs d’hôpitaux, décès d’une centaine de personnes faute de lits en réanimation…  

La déroute brésilienne suscite une inquiétude croissante dans le reste du monde, en raison de la propagation du variant amazonien P1, qui serait plus contagieux et plus létal.

En France, de nouvelles restrictions sanitaires, dont la fermeture de commerces et l’interdiction de se déplacer au-delà de 10 km sans dérogation, ont été étendues à trois départements supplémentaires, au moment où l’épidémie semble de moins en moins contrôlée, avec des services de réanimation saturés dans beaucoup de régions.

Cela pourrait conduire prochainement le Royaume-Uni à placer la France sur une « liste rouge » et durcir les contrôles des arrivées en provenance de ce pays.

Mais c’est la Hongrie, balayée par la 3e vague de la pandémie, qui a affiché sur la semaine écoulée le plus haut taux de mortalité du monde, avec un nombre de décès en hausse de 40 %.