(Bruxelles) La justice européenne a estimé mardi que les réformes judiciaires en Pologne ayant eu pour effet de supprimer une voie de recours dans la procédure de nomination des juges de la Cour suprême étaient « susceptibles de violer » le droit de l’UE.

Dans son jugement, la Cour de justice de l’UE (CJUE) « rappelle que les garanties d’indépendance et d’impartialité requises en vertu du droit de l’Union supposent l’existence de règles encadrant la nomination des juges ».

Réformes conservatrices

La décision de la CJUE, qui a plusieurs fois déjà condamné la Pologne pour les réformes du système judiciaire introduites depuis 2015 par le parti conservateur nationaliste Droit et Justice (PiS) au pouvoir, a été aussitôt critiquée par le ministre polonais de la Justice, Zbigniew Ziobro.

« Cette décision outrepasse les traités européens et de par là les viole », a déclaré à la presse M. Ziobro en défendant la primauté de la Constitution polonaise sur la loi européenne.

La CJUE « n’a pas à faire de la politique ni à prendre des décisions politiques dans le domaine de ses compétences », a insisté M. Ziobro.

Basée à Luxembourg, la CJUE était interrogée par la Cour suprême administrative polonaise, elle-même saisie par des requérants dont la candidature à des postes de juges de la Cour suprême avait été écartée en août 2018 par le Conseil national de la magistrature polonais (KRS). Cette institution avait présenté au président polonais d’autres candidats.

La Cour de justice de l’UE estime que « les modifications successives de la loi polonaise sur le Conseil national de la magistrature (en 2018 puis 2019) ayant pour effet de supprimer le contrôle juridictionnel effectif des décisions de ce Conseil présentant au président de la République des candidats aux fonctions de juge à la Cour suprême sont susceptibles de violer le droit de l’Union ».

Elle ajoute qu’il revient à la Cour suprême administrative polonaise d’apprécier si cette violation est avérée. Dans ce cas, « le principe de primauté du droit de l’Union impose à la juridiction nationale de laisser inappliquées de telles modifications » au profit de l’utilisation des dispositions nationales antérieures, indique-t-elle.

L’indépendance des tribunaux mise en question

Elle estime notamment que l’indépendance du Conseil national de la magistrature polonais « par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif est sujette à caution ».

Si la Cour suprême administrative polonaise devait conclure que ce Conseil de la magistrature « n’offre pas de garanties d’indépendance suffisantes, l’existence d’un recours juridictionnel ouvert aux candidats non sélectionnés s’avèrerait nécessaire pour contribuer à préserver le processus de nomination des juges concernés d’influences directes ou indirectes », juge notamment la Cour de justice de l’UE.

La Commission européenne, qui a plusieurs fois introduit des recours devant la CJUE contre les réformes judiciaires polonaises, a aussi déclenché en 2017 à l’égard de ce pays une procédure dite de l’article 7 du traité sur l’UE.

Ce mécanisme prévu en cas de risque « de violation grave » de l’État de droit dans un pays de l’Union peut en théorie déboucher sur la privation du droit de vote de ce pays, mais s’avère inopérant en pratique.