(Paris) L’hypothèse d’une candidature du sulfureux polémiste Éric Zemmour à l’élection présidentielle agite les cercles de l’extrême droite identitaire qui doute des chances de victoire de Marine Le Pen.

« C’est un homme talentueux, incisif, cultivé, qui a de la répartie. Il a beaucoup de qualités, mais est-ce que c’est suffisant pour être un candidat à une élection ? Il n’a pas répondu à cette question », affirme à l’AFP le maire de Béziers Robert Ménard, proche du RN, mais très critique à l’égard de sa présidente Marine Le Pen.

Une élection présidentielle, ce sont aussi « des moyens financiers, des signatures » de parrainage de 500 élus et « c’est très compliqué à trouver », relève l’édile.

Une longue enquête parue en février dans l’hebdomadaire L’Express sur les ambitions élyséennes d’Éric Zemmour pour 2022 a délié les langues.

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Éric Zemmour avait eu un moment de notoriété au Québec quand la comédienne Anne Dorval s’était étonnée de ses positions sur les droits des homosexuels. Les deux étaient invités à l’émission française On n’est pas couchés, diffusée ici à TV5.

Même s’il reste à distinguer les véritables intentions de l’intéressé, qui n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP, des espérances de ses soutiens.

Eric Zemmour a « plus envie qu’avant » d’être candidat, selon M. Ménard.

Il pourrait « attirer à lui des gens que Marine Le Pen n’est pas capable d’attirer », fait valoir ce fervent partisan d’une « union des droites » entre l’extrême droite et une partie de la droite classique, qui considère que Mme Le Pen ne peut pas gagner sans alliances.

Pétition

L’intéressé ne dément rien et écoute, tout sourire, la petite musique sur ses prétentions. « Ce n’est pas ici, aujourd’hui, que je vais le dire », glissait-il le 20 janvier sur Paris Première.

Après avoir décliné des offres de candidatures aux européennes du RN et du parti Debout la France, le chroniqueur de 62 ans avait pris la lumière à une réunion organisée en septembre 2019 par les proches de Marion Maréchal. Il avait alors lancé une violente charge contre l’islam et les immigrés « colonisateurs », qui lui a valu d’être condamné pour incitation à la haine raciale.

Visé par d’autres enquêtes, l’essayiste à succès écrit toujours dans le journal Le Figaro et anime chaque semaine une émission sur CNews regardée par plusieurs centaines de milliers de téléspectateurs.

Le maire d’Orange, Jacques Bompard, a initié des comités de soutien et un site de pétition jesignepourzemmour.fr. Il soutient qu’il faut « un trouble-fête » dans le duel annoncé Le Pen-Macron.

Paul-Marie Couteaux, ancien porte-parole de la campagne de Marine Le Pen en 2012 et directeur de la revue Le Nouveau Conservateur, affirme qu’Éric Zemmour, avec qui il déjeune chaque mois, « songe » à se présenter « dans tous les sens du terme ».

Des soutiens avancent que des énarques le conseillent et qu’un directeur de campagne avait déjà été désigné avec Philippe Martel, ancien chef de cabinet de Marine Le Pen, décédé cet automne.

Le Club de la Presse, qui réunit des publications de l’extrême droite conservatrice et royaliste, a publié mardi une étude de l’IFOP créditant Éric Zemmour de 17 % d’intentions de vote en l’absence des candidatures de Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan.

Soutiens aux poches profondes

Un autre soutien glisse même que le patron de presse Vincent Bolloré, propriétaire de CNews, s’intéresse au financement de sa campagne.

Mais des hésitations se font jour depuis que des sondages donnent Marine Le Pen au second tour et au coude-à-coude face à Emmanuel Macron.

Malgré leurs désaccords, M. Ménard assure qu’il voterait dans ce cas « sans hésiter » pour la cheffe du RN et ne veut pas qu’une candidature Zemmour porte de « mauvais coup » à son camp.

« Si Marine Le Pen a beaucoup de chances pour 2022, les ardeurs en faveur d’Éric Zemmour pourraient se rafraîchir » abonde M. Couteaux. Mais si les sondages plafonnent à 40 %, Éric Zemmour « a des chances de se présenter ».

De quoi contrarier le candidat à l’Élysée Nicolas Dupont-Aignan, crédité de 7 % des intentions de vote et « ami de 30 ans » d’Éric Zemmour, qu’il a rencontré début février.

« J’étais inquiet en arrivant, je suis parti rassuré », dit-il à l’AFP. « Tout cela me paraît très amateur. C’est la vieille droite identitaire et réactionnaire qui est orpheline et fantasme ».

Il ne juge « pas bon » le potentiel électoral de M. Zemmour, évalué à 13 % par l’IFOP.

Mme Le Pen pour sa part « ne croit guère » à cette candidature, a-t-elle dit mardi sur Europe 1, et invite à « s’écouter ».

La cheffe du RN est « indéniablement la mieux placée » dans son camp, renchérit le maire RN de Perpignan Louis Aliot, qui avait pourtant invité Éric Zemmour lors de sa campagne municipale.