(Paris) Les avocats de la défense et les procureurs qui ont obtenu la condamnation de Nicolas Sarkozy ont commencé mardi à affûter leurs arguments en vue du procès en appel de l'ancien président, condamné lundi à un an de prison ferme pour « corruption » et « trafic d’influence ».

« Jugement extrêmement sévère » et « peines totalement injustifiées » : la défense a vivement critiqué le lourd jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris contre l’ancien président, ainsi qu’à son avocat historique Thierry Herzog et à l’ex-magistrat Gilbert Azibert.

Les trois hommes, qui contestent les accusations, ont fait appel. Un deuxième procès devrait avoir lieu courant 2022.  

« Il n’aurait pas dû y avoir de condamnation du tout », a estimé à BFMTV Me Hervé Temime. Si le conseil de Me Herzog réfute l’idée d’« une décision politique », la présence au côté de son client de Nicolas Sarkozy a « joué ». « Je ne suis pas certain qu’ils aient eu le droit à une justice impartiale », a-t-il estimé.  

Les relations des magistrats avec Nicolas Sarkozy quand il était président ont souvent été tendues, parfois exécrables, notamment lorsqu’il les avait qualifiés de « petits pois ». À droite, des soutiens de l’ancien chef de l’État ont dénoncé dès lundi « un acharnement judiciaire » et une volonté de « vengeance ».  

« Beaucoup de choses ont dysfonctionné. Le PNF a été très habile dans sa communication en instrumentalisant un combat qui est un combat purement juridique », a affirmé à France Inter l’avocate de M. Sarkozy, Jacqueline Laffont.

« Pas de politique »

Le procureur national financier Jean-François Bohnert a balayé sur les ondes de RTL ces commentaires : « la justice politique renvoie à d’autres pays, d’autres sphères géographiques ».

« Le PNF ne fait pas de politique, le PNF ne connaît pas d’infractions politiques, le PNF connaît des infractions économiques et financières qui ont parfois » une coloration politique « par la qualité politique des personnalités » mises en cause, a-t-il ajouté, en soulignant que sur 605 procédures suivies par sa juridiction, seules « quelques dizaines concernent des personnalités politiques ».

M. Sarkozy a été jugé comme n’importe quel autre citoyen français, a insisté Jean-François Bohnert.

« Si les infractions sont constituées — c’était la thèse du parquet, c’est aujourd’hui la thèse du tribunal — nous ne pouvions pas faire autrement que de poursuivre et de requérir la condamnation », a-t-il fait valoir.

Sur le fond, la défense a continué à pilonner un dossier « vide ».

« Le jugement n’a pas été en mesure de trouver des preuves, il a fallu qu’il fasse recours à des faisceaux d’indices », a estimé Me Laffont.

« Quand on a des preuves contraires, le faisceau d’indices doit s’effacer », s’est insurgé auprès de l’AFP Dominique Allegrini, l’avocat de Gilbert Azibert.

M. Bohnert s’est au contraire félicité que « le tribunal (prenne) soin de décortiquer sur 254 pages les éléments de preuves qui apparaissent dans le dossier ».

« Dérives »

Les conseils de la défense ont à nouveau dénoncé les écoutes de conversations entre Nicolas Sarkozy et son avocat, qualifiées de déloyales mais validées par la Cour de cassation, et l’épluchage des relevés téléphoniques de pénalistes (les « fadettes ») dans une enquête préliminaire incidente pour débusquer une éventuelle taupe ayant prévenu les mis en cause qu’ils étaient sur écoute.

Cette enquête a été classée près de six ans après son ouverture et « cachée » à la défense, selon eux.

« Des dérives absolument monumentales », a commenté Me Temime.

« Le jugement est nécessairement un mauvais jugement dans la mesure où on valide une procédure qui est mauvaise, irrégulière, pétrie de mensonges éhontés », a estimé Me Allegrini.

Trois magistrats du PNF, dont son ancienne cheffe Éliane Houlette, sont visés par une enquête administrative dont les conclusions sont attendues prochainement.  

Le patron du PNF a jugé « injustes » les critiques formulées régulièrement contre son parquet, provenant notamment de celui qui est désormais garde des Sceaux, l’ancien avocat Éric Dupond-Moretti.  

Depuis sa création fin 2013, le PNF « a ramené aux caisses de l’État la rondelette somme de 10 milliards d’euros par le biais de confiscations et d’amendes », a rappelé M. Bohnert.

« Nos institutions fonctionnent. La justice, indépendante, vient de condamner un ancien président de la République, un avocat à la carrière brillante, un magistrat admiré », s’est réjouie dans Libération l’ancienne juge et députée européenne Eva Joly. « Il n’y a pas de gouvernement des juges », a renchéri l’ancienne magistrate Laurence Vichnievsky.