(Rome) Le nouveau chef du gouvernement italien Mario Draghi a obtenu jeudi un écrasant soutien des députés, comme la veille des sénateurs, disposant ainsi d’un large consensus pour « reconstruire » son pays frappé par la crise sanitaire et économique.

Dans la soirée, 535 membres de la chambre basse ont voté la confiance à l’ancien patron de la Banque centrale européenne (BCE) et à son équipe, 56 seulement s’étant prononcés contre et cinq s’étant abstenus.  

C’était l’ultime étape pour conférer une pleine légitimité à son gouvernement « sans adjectif : ni technique ni politique », comme le définit le quotidien La Stampa.

Mercredi au Sénat, M. Draghi, qui dirige une coalition hétéroclite allant de la gauche à l’extrême droite, avait eu 262 voix en sa faveur, 40 contre et deux abstentions.  

« Il n’y a jamais eu dans ma longue vie professionnelle un moment d’une telle émotion et autant de responsabilité », a assuré cet économiste de 73 ans devant la Chambre des députés peu avant le vote jeudi.

Perçu comme l’homme providentiel qui relancera le moteur économique de la troisième économie de la zone euro, M. Draghi avait appelé au Sénat à « reconstruire » l’Italie, mise à genoux par le coronavirus, promettant de « combattre la pandémie par tous les moyens ».

« Comme les gouvernements de l’immédiat après-guerre, nous avons la responsabilité de lancer une Nouvelle Reconstruction », avait-il affirmé. « C’est cela notre mission en tant qu’Italiens : laisser un pays meilleur et plus juste à nos enfants et à nos petits-enfants ».

Plongeon du PIB

Mario Draghi, un homme très discret éduqué chez les jésuites, a succédé samedi à Giuseppe Conte, contraint à la démission après l’explosion de sa coalition, à un moment où l’Italie approche de la barre des 100 000 morts dues à la COVID-19 et a enregistré en 2020 l’une des pires chutes du PIB de la zone euro (-8,9 %).

« Le principal devoir auquel nous sommes tous appelés […] est de combattre par tous les moyens la pandémie et de sauver les vies de nos concitoyens », a-t-il souligné, alors que moins de 1,3 million des 60 millions d’Italiens ont reçu les doses nécessaires à l’immunisation.  

« Après avoir obtenu des quantités suffisantes de vaccins, notre premier défi est de les distribuer rapidement et efficacement », a précisé M. Draghi.

Il a aussi plaidé pour une « Union européenne plus intégrée qui aboutira à un budget public commun, capable de soutenir les États membres pendant les périodes de récession », tout en proclamant « l’irréversibilité du choix de l’euro ».

« Sans l’Italie, il n’y a pas d’Europe », a lâché Mario Draghi. Il a aussi fait part de sa volonté de « renforcer » les relations « stratégiques » avec la France et l’Allemagne.

L’Italie, qui a perdu 444 000 emplois en 2020, compte beaucoup sur la manne du plan de relance européen, dont le versement est lié à la présentation à Bruxelles d’ici à fin avril d’un plan détaillé de dépenses, l’une des missions du nouveau gouvernement.  

« Fragile équilibre »

« Nous aurons à notre disposition environ 210 milliards d’euros sur une période de six ans. Ces ressources devront être dépensées pour améliorer le potentiel de croissance de notre économie », a souligné M. Draghi, qui a cité comme priorités « les énergies renouvelables, la lutte contre la pollution de l’air et de l’eau, le train à grande vitesse […], la production et distribution d’hydrogène, la numérisation et la 5G ».

Depuis que le président de la République Sergio Mattarella a fait appel à lui le 3 février, Mario Draghi a formé une majorité allant du Parti démocrate (PD, centre gauche) à la Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini en passant par le Mouvement 5 Étoiles (M5S, antisystème jusqu’à son arrivée au pouvoir).

« Aujourd’hui, l’unité n’est pas une option, l’unité est un devoir », a martelé M. Draghi, alors que les débuts de son gouvernement ont été marqués par de virulentes attaques contre le ministre de la Santé Roberto Speranza, qui a annoncé dimanche soir seulement l’interdiction de rouvrir lundi matin les pistes de ski.

Ces premières bisbilles laissent augurer un parcours accidenté pour Mario Draghi, comme l’explique Teresa Coratella, analyste au sein de European council of foreign relations (ECFR), dans un entretien avec l’AFP : « nous avons un gouvernement très fort du point de vue de la compétence des ministres, mais avec un équilibre politique très fragile, avec des interlocuteurs politiques qui changent d’opinion et ne sont pas très fiables ».