(Varsovie) Une des organisatrices des manifestations contre la quasi-interdiction de l’avortement en Pologne a été mise en examen et risque jusqu’à huit ans de prison, a indiqué jeudi le parquet polonais.

Marta Lempart, une des responsables du collectif « La grève des femmes », a été inculpée mercredi pour mise en danger de la santé et de la vie d’autrui, pour avoir suscité « un danger épidémiologique », pendant la période de la pandémie de la COVID-19, a indiqué dans un courriel adressé à l’AFP, Aleksandra Skrzyniarz, porte-parole du parquet régional de Varsovie.

Mme Lempart, qui a plaidé non-coupable et refusé de témoigner, a été laissée en liberté.  

Elle est également accusée d’avoir insulté un fonctionnaire de police et d’avoir craché sur lui, ainsi que d’avoir « fait l’éloge », dans un entretien à une radio, des attaques contre les églises.

« La suspecte risque jusqu’à huit ans de prison », a déclaré la porte-parole.

Le pouvoir conservateur nationaliste « saisit le Code pénal contre les citoyens, car il perd dans les tribunaux les procès basés sur le code des délits. C’est justement mon cas », a accusé de son côté Mme Lempart dans les colonnes du quotidien Gazeta Wyborcza.  

Dans un entretien au portail internet Onet.pl, elle a également indiqué que les accusations du parquet constituaient « un mélange de plusieurs choses qui va concerner beaucoup d’autres personnes » impliquées dans l’organisation des manifestations.  

Plusieurs personnes interpellées par la police pendant les protestations et mises en accusation ont été par la suite acquittées par les tribunaux.  

Mme Lempart est une des initiatrices des manifestations qui ont commencé dans toute la Pologne en octobre après la décision du Tribunal constitutionnel de proscrire l’interruption volontaire de grossesse en cas d’anomalies fœtales.

Selon le tribunal, réformé par les conservateurs au pouvoir, l’avortement est dans ce cas « incompatible » avec la Constitution.  

Désormais, toute IVG est interdite en Pologne sauf en cas de viol, d’inceste ou lorsque la vie de la mère est en danger.

Les manifestations ont repris en janvier après la publication de la décision du tribunal dans le Journal officiel et son entrée en vigueur formelle, prenant ensuite un caractère ouvertement antigouvernemental.

La Pologne, un pays majoritairement catholique, a l’une des législations les plus restrictives en matière d’avortement en Europe.  

Aujourd’hui, il y a moins de 2000 avortements légaux par an en Pologne, selon les données officielles. Les organisations féministes estiment par ailleurs qu’environ 200 000 IVG sont réalisées illégalement ou à l’étranger chaque année.

Le gouvernement conservateur affirme que la nouvelle interdiction mettra fin aux « avortements eugéniques », faisant référence à l’avortement de fœtus diagnostiqué avec une trisomie 21, mais selon nombre d’organisations de défense des droits de l’Homme, cette mesure forcera les femmes à mener des grossesses non viables.

Les États-Unis ont dit jeudi suivre « de très près la situation ».

« Promouvoir et défendre la liberté d’expression, le droit aux manifestations pacifiques et l’indépendance de la justice, tout cela est crucial dans chaque démocratie », a dit le porte-parole du département d’État américain Ned Price devant la presse à Washington.

Il a fait état d’inquiétudes « plus larges » au sujet d’une « espace qui se réduit pour la société civile en Pologne, notamment à la suite » d’attaques contre les médias « avec » un projet de taxe « controversé.