(Rome) L’ex-président de la BCE Mario Draghi a débuté jeudi après-midi ses consultations pour trouver une majorité parlementaire prête à soutenir son gouvernement après avoir été appelé à la rescousse pour sortir l’Italie de la crise politique.

M. Draghi a d’abord rencontré des représentants de petits partis et groupes parlementaires, dont l’ex-commissaire européenne Emma Bonino qui a promis leur « plein soutien ».  

La journée de vendredi sera consacrée aux entretiens avec les grands partis, notamment le Parti démocrate (PD, centre gauche) et le parti de Silvio Berlusconi Forza Italia (FI, droite).

Convaincre le parti antisystème

Samedi matin, il rencontrera les dirigeants des deux partis comptant le plus grand nombre de parlementaires, le Mouvement 5 Étoiles (M5S, antisystème jusqu’à son arrivée au pouvoir) et la Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini.

Il est déjà assuré du soutien de certaines des grandes formations représentées au Parlement, mais le M5S, qui compte à lui seul près d’un tiers des députés et sénateurs, est loin d’être acquis à sa cause.

Le premier ministre sortant Giuseppe Conte, soutenu jusqu’au bout par le M5S dont il est très proche sans en être membre, a été contraint de démissionner la semaine dernière après l’effondrement de sa coalition causé par le retrait d’un partenaire clé, Italia Viva (IV), parti de l’ancien premier ministre Matteo Renzi.

Le M5S et ses alliés du PD ayant échoué dans leur tentative de former un nouveau gouvernement, le président Sergio Mattarella a fait appel à Mario Draghi.  

M. Conte, populaire dans les sondages, a promis jeudi de ne pas être « un obstacle » pour M. Draghi, à qui il a souhaité « bon courage ! ». « J’ai toujours travaillé pour le bien du pays », a-t-il affirmé au cours d’une allocution, la première depuis la nomination de M. Draghi, qu’il a longuement rencontré mercredi.

La tâche de l’éminent économiste sera difficile : l’Italie est frappée par l’épidémie de COVID-19 qui a fait près de 90 000 morts et le gouvernement doit présenter d’ici fin avril un plan de relance de son économie en récession, grâce à une importante aide financière de l’Union européenne.  

Casse-tête

Selon le quotidien La Stampa, M. Draghi se retrouve confronté à un casse-tête : le PD et Italia Viva sont prêts à le soutenir, de même que les élus de Forza Italia et quelques forces d’appoint à gauche et au centre.

Mais l’ancien gouverneur de la Banque d’Italie a aussi besoin au moins de l’abstention, si ce n’est du soutien de la Ligue, dont le positionnement, avec celui du M5S, est crucial compte tenu de leur nombre important d’élus.

Selon des scénarios élaborés par La Stampa, il n’y aura pas de gouvernement Draghi si la Ligue et le M5S s’y opposent tous deux. En revanche, le soutien de l’un des deux suffirait.

Même s’il a perdu son côté radical depuis son arrivée au pouvoir, le M5S est né comme un parti contre les élites et il est donc délicat pour lui d’approuver une personnalité issue du sérail comme M. Draghi.  

L’un des principaux dirigeants du mouvement, le ministre des Affaires étrangères sortant Luigi Di Maio, a invité à former un « gouvernement politique », rejetant l’idée d’un exécutif composé de technocrates.  

M. Draghi pourrait donc choisir d’offrir des postes ministériels au M5S et à d’autres partis, mais il n’est pas certain que cela suffise pour surmonter les profondes divisions internes du mouvement.

Des noms circulent déjà concernant les futurs titulaires de portefeuilles d’un éventuel gouvernement Draghi. Le ministre de l’Économie et des Finances sortant, Roberto Gualtieri (PD), pourrait notamment rester à son poste pour assurer la continuité dans ce domaine.

L’enjeu : 200 milliards d’euros

L’Italie espère recevoir la part du lion — environ 200 milliards d’euros — du fonds de relance européen adopté en juillet, mais doit soumettre un plan de dépenses détaillé à Bruxelles d’ici fin avril.

Si M. Draghi ne parvenait pas à trouver une majorité parlementaire, ou s’il n’obtenait pas la confiance du Parlement après son entrée en fonction, des législatives anticipées pourraient être envisagées.

Le président Mattarella, le seul à pouvoir provoquer des élections avant le terme normal de la législature en 2023, a cependant clairement expliqué mardi qu’il voulait éviter un scrutin anticipé en pleine crise sanitaire et économique.