Des centaines de manifestants ont convergé à Bruxelles dimanche pour protester contre les mesures de confinement, tandis que l’Europe ferme peu à peu ses frontières

(Bruxelles) « Y en a ras le bol ! Qu’on nous laisse vivre ! »

Masque sur le visage, Virginie pestait contre les mesures mises en place par le gouvernement belge. Dimanche, elle était venue de Waterloo avec trois amis pour protester contre les restrictions anti-COVID-19.

Mais elle n’a pas eu le temps de se faire entendre.

Mobilisés en très grand nombre, avec fourgons et chevaux, les policiers ont rapidement mis un terme à la manifestation, interdite par les autorités. Présents à la gare Centrale (centre-ville), ils ont effectué des fouilles et des interpellations à la sortie des trains, avant d’encercler les manifestants qui se rassemblaient à l’extérieur.

Bilan : près de 500 personnes arrêtées, selon les chiffres officiels.

« Je crois qu’ils ont eu peur de ce qui s’est passé aux Pays-Bas. Ils ne veulent pas que ça se passe ici », a suggéré Victor, un manifestant, en dénonçant les effectifs « complètement disproportionnés » de la police.

La semaine dernière, cinq villes néerlandaises, dont Rotterdam et Amsterdam, ont été le théâtre d’émeutes en marge des manifestations contre les restrictions de déplacement et le couvre-feu. Une dizaine de policiers ont été blessés, quelque 200 personnes arrêtées, des commerces ont été vandalisés – des chiffres choquants pour un pays peu habitué aux violences urbaines.

L’impatience grimpe en Europe

Plusieurs craignent désormais que ces débordements ne se propagent dans les pays voisins, alors que l’impatience monte en Europe et que la campagne de vaccination prend du retard.

« Moi, je pense que c’est le début d’un mouvement global, a sifflé Vincent, le compagnon de Virginie. Bientôt, il y aura les restaurateurs, l’hôtellerie, le milieu de la culture, tous ceux qui subissent les contrecoups de la crise, vous allez voir. »

Pour ce DJ, qui a perdu son emploi à la suite de la fermeture des bars, ce ras-le-bol est justifié par les « incohérences », le « manque de logique » et les directives « sans queue ni tête » du gouvernement belge dans la lutte contre le coronavirus.

Pour son ami Kevin, il est surtout grand temps que les autorités changent de stratégie.

Depuis un an, on a bien écouté. Mais on voit bien que ce n’est pas efficace. Autour de moi, il y a plus de suicides que de morts de la COVID. Il faut tester une autre méthode, pas rajouter des restrictions !

Kevin, manifestant trentenaire

Verrouiller peu à peu

Cette colère grandit alors que les frontières européennes se verrouillent peu à peu.

Devant la crainte d’une propagation des virus mutants, plus contagieux, comme les variants anglais, brésilien ou sud-africain, les pays du Vieux Continent sont de plus en plus nombreux à amorcer un repli, de manière plus moins ciblée et désordonnée.

Le Royaume-Uni a lancé le bal il y a deux semaines, en fermant ses frontières aux voyageurs du Portugal et d’Amérique du Sud, en raison du « variant brésilien ».

La Norvège a instauré des mesures plus draconiennes en interdisant toute entrée à ses « non-résidants » depuis mercredi dernier.

Samedi, l’Allemagne a annoncé qu’elle fermait ses frontières aux personnes venant de cinq pays (Royaume-Uni, Irlande, Brésil, Portugal, Afrique du Sud) fortement touchés par les différents variants de COVID-19.

En France, l’entrée est désormais interdite à toute personne résidant hors de l’Union européenne (UE). Tout résidant « intra-européen » devra par ailleurs être muni d’un test PCR négatif s’il désire pénétrer sur le territoire.

Le Portugal, pays actuellement le plus touché d’Europe, interdit à sa population de quitter le pays pour les deux prochaines semaines. La Finlande et la Belgique viennent quant à elles de fermer leur frontière pour un mois à tous les voyageurs « non essentiels », y compris les résidants de l’UE.

Les nouvelles mesures étaient appliquées à la lettre vendredi soir à la gare de Bruxelles-Midi, où des cohortes de policiers contrôlaient les trains en provenance de Paris. Plusieurs voyageurs n’ayant pas en main leur dérogation pour entrer au pays étaient mis à l’écart et priés de remplir les formulaires sur leur téléphone, avec plus ou moins d’amabilité.

Un casse-tête européen

La question des frontières pendant la pandémie est un enjeu important pour l’Europe, et particulièrement l’Union européenne. Au printemps, certains pays avaient interdit l’accès à leur territoire sans préavis, causant le chaos dans la circulation des biens et des personnes au sein de l’espace Schengen.

En principe, le contrôle des frontières relève de chaque nation. Mais l’harmonisation des décisions demeure primordiale pour faciliter le roulement du marché intérieur, avec son important trafic de marchandises et le déplacement de milliers de personnes.

Pour Bruxelles, tout le défi est de coordonner les 27 États membres, pour trouver un juste équilibre entre contraintes sanitaires, intérêts nationaux et impératifs économiques.

Il y a une semaine, la Commission européenne a dévoilé une série de nouvelles recommandations « non contraignantes », comme solutions de rechange à la fermeture des frontières et à l’interdiction de voyager. Parmi celles-ci, l’obligation d’avoir fait un test PCR pour se déplacer et une circulation limitée pour les pays en zone « rouge foncé ».

Cette nouvelle couleur correspond aux pays dont le taux d’incidence de la COVID-19 est supérieur ou égal à 500 cas pour 100 000 habitants sur une période de 14 jours.

Des vaccins supplémentaires

L’Union européenne, critiquée de toutes parts pour la lenteur des vaccinations contre la COVID-19, a annoncé dimanche soir qu’elle recevrait au premier trimestre 30 % de doses en plus du vaccin d’AstraZeneca. Au total, le laboratoire anglo-suédois « va fournir 9 millions de doses supplémentaires par rapport à ce qui était offert la semaine dernière, soit 40 millions au total », a écrit la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sur Twitter. AstraZeneca, qui subit depuis plusieurs jours les foudres des dirigeants européens en raison d’importants retards de production, « commencera les livraisons une semaine plus tôt que prévu », a ajouté Mme von der Leyen.

– Agence France-Presse