(Istanbul) La Turquie a dit lundi vouloir « régler les problèmes » avec la Grèce après la reprise du dialogue entre les deux pays, interrompu il y a cinq ans, pour désamorcer la crise qui les oppose au sujet des hydrocarbures en Méditerranée orientale.

Des responsables grecs et turcs se sont réunis à Istanbul pour des « contacts exploratoires » en lien avec les différends qui opposent Ankara à Athènes, réactivant un mécanisme d’échanges qui avait été suspendu en 2016 sur fond d’aggravation des tensions.

« Régler tous les problèmes, y compris ceux en mer Égée, est possible et notre volonté pour y parvenir est entière. La paix et la stabilité régionales sont dans l’intérêt de tous », a déclaré sur Twitter le porte-parole du président Recep Tayyip Erdogan, Ibrahim Kalin, à l’issue des discussions.

La Grèce achète 18 avions de combat

Signe toutefois de la méfiance qui règne entre la Turquie et la Grèce après plusieurs années de crispations, Athènes a signé lundi un contrat pour l’achat de 18 avions de combat Rafale à la France, une décision prise notamment en réaction à la multiplication des démonstrations de force turques en Méditerranée orientale.

Faisant fi des mises en garde de l’Europe, Ankara a en effet organisé ces derniers mois plusieurs missions d’exploration gazière dans des eaux grecques, provoquant une crise diplomatique d’une ampleur inédite depuis 1996, année où les deux pays membres de l’OTAN ont frôlé la guerre.

Mais après l’annonce de sanctions européennes contre Ankara le mois dernier, M. Erdogan a multiplié les gestes d’apaisement et appelé la Grèce à discuter.

Des sources diplomatiques turques ont déclaré à l’AFP que les contacts exploratoires se poursuivraient à Athènes, sans toutefois donner de date.

Si la Grèce avait fait part ces derniers jours de son « optimisme » et de son « espoir » et la Turquie salué l’« atmosphère positive », aucune avancée majeure n’était attendue à ces pourparlers.

En effet, signe de l’abysse qui les sépare, les deux pays n’avaient même pas réussi à se mettre d’accord sur la liste des sujets à aborder lundi.

« Casus belli »

Athènes souhaitait uniquement discuter de la délimitation du plateau continental de ses îles en mer Égée. Mais Ankara voulait élargir les pourparlers à la définition des zones exclusives économiques et de l’espace aérien des deux États.

Par ailleurs, le chef de la diplomatie turque, Mevlut Cavusoglu, a dénoncé vendredi les « provocations » de la Grèce qui a évoqué le doublement de l’étendue de ses eaux territoriales en mer Égée, un sujet explosif que la Turquie qualifie de « casus belli ».

En dépit des désaccords, l’UE a favorablement accueilli la reprise du dialogue entre les deux pays, y voyant un « signal positif » pour les relations entre Ankara et Bruxelles après des mois de tensions.  

En décembre, les dirigeants de l’UE, réunis en sommet, avaient décidé de punir la Turquie pour ses actions « illégales et agressives » en Méditerranée contre la Grèce et Chypre.  

Le sommet de l’UE a adopté des sanctions censées viser des responsables impliqués dans les activités d’exploration menées par la Turquie en Méditerranée orientale.  

Kastellorizo, l’île de toutes les tensions

L’exploration gazière de la Turquie dans des zones maritimes disputées avec la Grèce et Chypre empoisonne ses relations avec ses voisins méditerranéens depuis des mois.

La crise entre Athènes et Ankara s’est intensifiée avec l’envoi en août par la Turquie du navire de recherches sismiques Oruç Reis dans des zones disputées, notamment près de l’île grecque de Kastellorizo proche du rivage turc.

La Grèce a accusé Ankara de violations de ses frontières maritimes, mais la Turquie estime que la présence de cet îlot ne saurait justifier son exclusion d’un large pan de la Méditerranée orientale riche en gisements gaziers.

PHOTO YORUK ISIK, ARCHIVES REUTERS

Le navire de recherches sismiques turc Oruç Reis.

Toutefois, dans un apparent geste d’apaisement, Ankara a annoncé fin novembre le retour au port de l’Oruç Reis.  

Pour nombre d’analystes, la Turquie s’efforce de calmer les tensions avec l’Europe en raison de ses difficultés économiques, aggravées par la pandémie due au nouveau coronavirus et à cause de l’élection aux États-Unis du président Joe Biden.

Ankara s’attend en effet à un durcissement de Washington à son égard, alors que M. Erdogan avait développé avec Donald Trump une bonne relation personnelle.

Le département d’État américain a d’ailleurs salué la reprise des pourparlers turco-grecs. « Nous soutenons tous les efforts visant à réduire les tensions en Méditerranée orientale », a déclaré sur Twitter le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price.