(Moscou) Les autorités russes ont arrêté vendredi de nouveaux partisans de l’opposant emprisonné Alexeï Navalny, à la veille d’une journée de manifestations contre le pouvoir que la police moscovite a promis de « réprimer ».

L’équipe de M. Navalny, placé en détention jusqu’au 15 février au moins et visé par de multiples procédures judiciaires, a appelé à protester samedi dans 65 villes pour exiger la libération du principal ennemi du Kremlin.

La police de la capitale, où se déroulent habituellement les actions les plus suivies, a juré de « réprimer sans délai » tout rassemblement non autorisé ou menaçant « l’ordre public ».

Les forces antiémeutes ont l’habitude de disperser sans ménagement les manifestants et certains ont été condamnés par le passé à des peines de prison ou à des amendes plus ou moins lourdes.

Par ailleurs, tout comme la veille, collaborateurs ou alliés de M. Navalny ont été arrêtés vendredi à travers le pays dont Sergueï Boïko, élu face au parti du Kremlin lors d’élections locales à Novossibirsk (Sibérie) en septembre.

Arrêtée jeudi, une figure montante de l’opposition, Lioubov Sobol, a été condamnée vendredi à 250 000 roubles (4235 dollars canadiens) d’amende pour avoir appelé à manifester. Georgui Albourov, qui participe aux enquêtes anticorruption de M. Navalny, a lui reçu 10 jours de prison.

La porte-parole de l’opposant, Kira Iarmych, s’est pour sa part vu infliger une peine de neuf jours de détention à l’issue d’un procès qui aura duré moins de cinq minutes vendredi, selon son avocate Veronika Poliakova.

PHOTO KIRILL KUDRYAVTSEV, AGENCE FRANCE-PRESSE

La porte-parole d’Alexeï Navalny, Kira Iarmych, à son arrivée au tribunal

Femme de M. Navalny, Ioulia Navalnaïa a annoncé son intention de manifester à Moscou samedi pour celui qui « n’abandonne jamais », a-t-elle écrit sur Instagram, rappelant l’empoisonnement présumé dont son mari a été victime en août et qu’il impute au Kremlin.

Avertissements et soutiens

Les autorités ont elles mis en garde contre la participation à ces rassemblements « illégaux », laissant présager une intervention musclée des forces de l’ordre.

Le gendarme russe des télécommunications Roskomnadzor est lui aussi intervenu pour menacer les réseaux sociaux d’amendes face à la multiplication des appels à manifester publiés par des adolescents, en particulier sur les plateformes TikTok et Vkontakte (VK), l’équivalent russe de Facebook.

Selon Roskomnadzor, ces deux plateformes mais aussi YouTube, propriété de Google, ont répondu à ces injonctions et supprimé une partie des messages.

Le ministère de l’Éducation a par ailleurs appelé les parents à « empêcher » leurs enfants de rejoindre des manifestations.

Ces derniers jours, des milliers de vidéos et de messages de soutien à l’opposant circulent sur TikTok, une plateforme particulièrement prisée des adolescents, dont des appels à manifester, des conseils pour ne pas se faire arrêter ou des vidéos d’élèves remplaçant le portrait de Vladimir Poutine par celui d’Alexeï Navalny dans leur salle de classe.

M. Navalny a également reçu le soutien d’acteurs, de musiciens et d’athlètes, y compris de personnalités se tenant habituellement à l’écart de la politique telles que l’ancien capitaine de la sélection russe de football, Igor Denisov, et la jeune chanteuse Monetotchka.

Après son arrestation dimanche, Alexeï Navalny a riposté par son appel à manifester et en diffusant mardi une enquête sur l’immense et fastueuse propriété dont bénéficie selon lui le président Vladimir Poutine, sur les rives de la mer Noire, et dont la construction aurait coûté plus d’un milliard d’euros.

Vendredi, cette longue investigation racontée dans une vidéo de près de deux heures avait été vue plus de 56 millions de fois sur YouTube, un record pour une enquête de M. Navalny.

Dans un message publié vendredi sur Instagram, l’opposant a remercié tous ceux ayant visionné son documentaire et ayant posté des vidéos sur Tiktok.  

Et il a assuré qu’il n’allait « pas [se] pendre », semblant sous-entendre que le pouvoir pourrait être tenté de l’éliminer.

L’opposant a été arrêté à son retour de cinq mois de convalescence en Allemagne après un empoisonnement présumé, dont il accuse le Kremlin.  

Moscou rejette ces allégations et dénonce un complot occidental, après que des laboratoires européens ont identifié un produit toxique de type Novitchok, conçu à l’époque soviétique à des fins militaires.