(Berlin) Le choix de la continuité avec l’ère centriste d’Angela Merkel : le parti conservateur allemand CDU a élu samedi comme président le modéré Armin Laschet face au libéral Friedrich Merz, favorable à un coup de barre à droite.

Avec une majorité de 521 voix des 1001 délégués appelés à voter, Armin Laschet a devancé de peu Friedrich Merz (466 voix) au second tour d’un scrutin interne. Il est ainsi en bonne position pour mener le camp conservateur aux élections générales en septembre, mais n’en a pas encore la garantie.

« Je veux que nous réussissions ensemble et que nous fassions en sorte que l’Union » conservatrice allemande, qui regroupe la CDU et son parti frère bavarois CSU, soit portée à la chancellerie en septembre, a réagi M. Laschet après sa victoire.

Arrivé derrière M. Merz au premier tour, il a bénéficié d’un report de voix des partisans d’un troisième candidat finalement écarté, Norbert Röttgen, lui aussi favorable à une ligne modérée.

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Friedrich Merz

La veille, M. Laschet, qui dirige la Rhénanie du Nord-Westphalie, la région la plus peuplée du pays, avait reçu le soutien à peine voilé de Mme Merkel, prônant la poursuite d’un cap « centriste » et le rejet de la polarisation.

Cette élection est décisive pour l’avenir de l’Allemagne avec les élections législatives de fin septembre et la fin programmée de l’ère Merkel, au pouvoir depuis 2005.

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Armin Laschet et Angela Merkel, photographiés en août 2020

Le choix du candidat de la droite et du centre droit pour ce scrutin sera toutefois effectué seulement au printemps. Et d’autres prétendants restent en embuscade, dans une Allemagne frappée de plein fouet par la deuxième vague pandémique.

Merz veut être ministre

Pour la première fois depuis 2000, la CDU ne sera pas dirigée par une femme.

Un temps « dauphine » de Mme Merkel, Annegret Kramp-Karrenbauer lui avait succédé à la présidence en 2018, avant d’en démissionner début 2020, faute d’avoir pu s’imposer.

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Annegret Kramp-Karrenbauer

Les candidats en lice présentaient des profils différents.

Ennemi juré de la chancelière depuis qu’elle l’avait évincé de la présidence du groupe conservateur au Bundestag en 2002, Friedrich Merz rêvait de revanche. Il la manque de nouveau.

L’homme d’affaires, adepte d’un positionnement dur sur l’immigration, avait déjà été battu d’un cheveu par Mme Kramp-Karrenbauer en 2018.

Après sa défaite samedi, il a renoncé à entrer à la direction du parti mais a fait des offres de service pour entrer au gouvernement, au portefeuille de l’Économie. S’attirant une nouvelle fin de non-recevoir : le porte-parole du gouvernement a fait savoir qu’« aucun remaniement » n’était prévu.

M. Merz n’est pas parvenu à gommer ses handicaps, de ses fonctions grassement rémunérées chez le gestionnaire d’actifs BlackRock à ses dérapages verbaux.

Samedi matin, il a ainsi voulu battre en brèche son supposé manque d’intérêt pour la cause des femmes en soulignant le fait qu’il avait une femme et des filles.

Critique des proclimats

Armin Laschet, 59 ans, dispose lui de plusieurs atouts. Ce modéré, ancien journaliste aux yeux rieurs, marche en effet dans les pas de la populaire chancelière.

« Mauvaise nouvelle pour l’Allemagne : on continue à faire du Merkel », a réagi le parti d’extrême droite AfD.

Les délégués ne lui ont pas tenu rigueur des problèmes de gestion de l’épidémie dans sa région. M. Laschet avait ainsi plaidé au printemps pour un assouplissement des restrictions jugé trop précoce par les experts.

M. Laschet peut plaire à l’électorat centriste et, s’il est candidat en septembre, bâtir une éventuelle coalition avec les Verts, la deuxième force du pays.

Le mouvement de jeunes Fridays for future a toutefois accueilli avec sévérité l’élection de M. Laschet : il est accusé de maintenir ouvertes les mines de charbon dans sa région et « n’a pas présenté de plan » pour atteindre les objectifs de réduction des émissions.

M. Laschet ne doit pas être « sous-estimé » dans la course à la chancellerie, prévient l’hebdomadaire Der Spiegel, en dressant un parallèle avec le chancelier Helmut Kohl, en qui peu croyaient à ses débuts. « Il n’est pas un politicien passionnant, mais incarne confort et convivialité », un atout « après une pandémie mondiale et la présidence Trump », dit le journal.

Mais il pourrait trouver sur sa route un rival, Markus Söder, dirigeant du parti frère CSU, devenu une des personnalités préférées des Allemands en prônant des restrictions strictes face à la pandémie.

Même s’il s’en défend, ce dernier rêve d’être invité par la CDU à franchir le pas après une série de scrutins locaux mi-mars. Et de devenir, peut-être, le premier chancelier issu de la CSU.