(Minsk) Des milliers de personnes ont manifesté vendredi en Biélorussie en hommage à un opposant décédé après son interpellation dans ce pays secoué par une vague de protestation visant le président Alexandre Loukachenko.

Roman Bondarenko, 31 ans, a été arrêté par la police mercredi après une altercation entre des habitants et des hommes masqués qui retiraient des rubans rouges et blancs, les couleurs de l’opposition, accrochés dans une cour d’immeuble de Minsk.

Souffrant de lésions cérébrales, il est mort le lendemain dans un hôpital, sur fond de lourds soupçons de passage à tabac lors de sa détention.

À l’appel de la cheffe de l’opposition en exil Svetlana Tikhanovskaïa, des centaines de personnes se sont réunies en silence vendredi dans la cour d’immeuble en question, où des dizaines de fleurs et des bougies ont été déposées.  

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Surnommé « la Place des changements », l’endroit était devenu ces derniers mois un lieu emblématique de l’opposition, couvert de messages contre Alexandre Loukachenko et de rubans rouges et blancs régulièrement arrachés par les autorités.

Dans la capitale, des foules d’habitants indignés ont également formé vendredi des chaînes humaines le long de plusieurs avenues.

Tandis que certains portaient des drapeaux rouges et blancs, d’autres tenaient des rubans noirs en l’air ou faisaient le « V » de la victoire sous les klaxons de soutien des automobilistes.

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Des hommages semblables ont été signalés dans plusieurs villes du pays, à l’avant-veille de la grande manifestation dominicale anti-Loukachenko.

« Cruauté du régime »

Le Comité d’enquête biélorusse, chargé des principales investigations criminelles, a confirmé vendredi la mort de Roman Bondarenko et indiqué qu’au moment de son arrestation mercredi, le jeune homme avait « des blessures corporelles ».

Il a ensuite été amené dans un commissariat puis, son état s’étant aggravé, dans un hôpital où a été confirmée, selon les autorités, « une intoxication à l’alcool ». Roman Bondarenko est mort le lendemain.

Des médecins, interrogés sous couvert d’anonymat par le site d’information indépendant Tut.by, ont rejeté cette version vendredi, soutenant qu’il n’avait pas de traces d’alcool dans le sang.

Arrivé à l’hôpital dans le coma, M. Bondarenko présentait de graves lésions cérébrales et des hématomes, selon eux.

L’annonce de son décès jeudi soir dans des médias indépendants a suscité une vive émotion en Biélorussie, marqué depuis début août par un mouvement de contestation historique contre le président Loukachenko.

Dans un communiqué, Svetlana Tikhanovskaïa a appelé à rendre hommage à un « homme qui a été tué car il voulait vivre dans un pays libre ».

Dans un autre communiqué, l’opposante contrainte à l’exil en Lituanie a annoncé la création d’un « tribunal populaire » chargé notamment de rassembler « les preuves des crimes du régime » d’Alexandre Loukachenko. Les officiels permettant la « capture » du président biélorusse seront amnistiés, a-t-elle ajouté.  

Quatre morts au moins

Depuis le début de la contestation, au moins quatre personnes sont mortes lors de manifestations ou après leur interpellation mais d’autres décès suspects laissent présager un bilan plus lourd.

Lors d’une conférence de presse, le président Loukachenko a présenté vendredi ses condoléances et ordonné une enquête « honnête et objective » sur les circonstances de la mort de Roman Bondarenko.

Contactée par l’AFP, Elena Guerman, veuve du premier manifestant tué début août, a affirmé que l’enquête sur la mort de son mari avait été suspendue « pour trois mois ».

« C’était prévisible, j’étais sure qu’ils ne mèneraient pas l’enquête », a-t-elle affirmé.

Des milliers de manifestations ont par ailleurs été arrêtés depuis le début du mouvement et des dizaines d’entre eux ont dénoncé des tortures durant leur détention, notamment dans les premiers jours ayant suivi la réélection contestée de M. Loukachenko.  

De nouvelles manifestations doivent avoir lieu ce dimanche en Biélorussie, même si le nombre de participants a diminué ces dernières semaines face à la pression policière.

Soutenu par Moscou, Alexandre Loukachenko refuse de quitter le pouvoir et n’a évoqué que de vagues réformes constitutionnelles pour calmer la protestation.

La semaine dernière, il a été ajouté, avec son fils Viktor et 13 autres responsables, dans une liste de personnes sanctionnées par l’UE pour leur rôle dans la répression.

Après la mort de Roman Bondarenko, le porte-parole du chef de la diplomatie européenne a estimé vendredi que « l’UE est prête à imposer des sanctions supplémentaires ».