(Paris) Lundi à 11 h, les élèves de France se sont arrêtés pour une minute de silence « très respectueuse » en hommage à Samuel Paty, assassiné à la veille des vacances de la Toussaint, l’occasion pour les professeurs d’insister auprès d’eux sur la liberté d’expression et la laïcité à l’école.

Après deux semaines de pause, 12 millions d’élèves ont effectué lundi, dans une France reconfinée, une rentrée scolaire particulière entre vigilance sanitaire et sécuritaire, et honoré la mémoire de l’enseignant des Yvelines, décapité le 16 octobre pour avoir montré en classe des caricatures de Mahomet.

Le ministère de l’Éducation demandait aux enseignants d’observer une minute de silence en classe après la lecture de la lettre de Jean Jaurès aux instituteurs.

« Cette minute de silence était très émouvante, mes élèves de 3e étaient tous très respectueux et très touchés. Ils avaient besoin de ce temps de recueillement », a témoigné à l’AFP Benjamin Marol, professeur d’histoire-géographie dans un collège de Montreuil (Seine-Saint-Denis), aux portes de Paris.

Selon cet enseignant, il était « essentiel de pouvoir échanger en amont de cette minute de silence avec la classe sur les faits qui se sont déroulés à Conflans-Sainte-Honorine, pour que cette minute puisse avoir du sens ».

« Il faut être conscients que tous les élèves n’ont pas le même niveau d’information, ils ne suivent pas tous l’actualité », a-t-il ajouté.

C’est le constat de Salomé, élève de 4e dans un collège parisien. « Nous n’étions en fait que deux dans la classe à avoir suivi réellement ce qui s’est passé pour Samuel Paty, c’était donc important de revenir sur les faits, tous ensemble, avant de clôturer la séquence par une minute de silence », raconte-t-elle.

Au collège Jean-Jaurès de Cenon, établissement en Réseau d’éducation prioritaire (REP) de la banlieue de Bordeaux, la professeure d’histoire-géo Françoise Lecœur s’est dite « très émue » pendant l’hommage. « Ici, nos élèves viennent de milieux très différents, de milieux où le discours sur les valeurs de la République n’est pas celui de la maison », a-t-elle expliqué.

Hommage en Grèce et en Allemagne

L’hommage à Samuel Paty a dépassé les frontières françaises.

En Allemagne, les autorités ont recommandé aux établissements scolaires de tout le pays d’observer également une minute de silence dans les classes ce lundi. Idem en Grèce, a annoncé dans un tweet la ministre grecque de l’Éducation Niki Kerameus.

Le premier ministre Jean Castex a lui rendu hommage à Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine, la ville où il enseignait, en observant une minute de silence avec les élèves d’une classe locale de cm2.

Le chef du gouvernement, qui s’était auparavant rendu au collège du Bois-d’Aulne, celui de l’enseignant assassiné, a insisté sur la nécessaire reconstruction collective et le rôle central des professeurs dans l’école de la République.

Un peu plus tôt dans la matinée, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer expliquait sur France Inter que la France devait « être totalement unie autour de ses professeurs ». « On dit souvent que le ministre de l’Éducation est le ministre des professeurs, aujourd’hui plus que jamais. Ils sont centraux dans notre société ».

La rentrée des classes, qui devait initialement être décalée à 10 h pour laisser le temps aux équipes pédagogiques de préparer cet hommage au professeur décapité, a finalement été maintenue à l’horaire habituel, entraînant le dépôt d’un préavis de grève par plusieurs syndicats enseignants.

Selon le Snes-FSU 93, trois lycées et six collèges de cette zone étaient en grève lundi.

« D’autres organisations étaient possibles permettant de tenir compte des conditions de cette rentrée hors normes. Elles ont été balayées d’un revers de la main, sans considération pour les impératifs humains et pédagogiques », ont regretté les enseignants du collège Pasteur de Villemomble en Seine-Saint-Denis.

Des violences ont été signalées lundi matin devant un établissement scolaire de Nantes, sans que l’on sache si elles étaient réellement en lien avec l’hommage rendu à Samuel Paty. Selon la police, « une trentaine de personnes ont jeté des projectiles sur des membres de l’éducation nationale devant le lycée Monges » et « un jeune de 18 ans a été interpellé ».