(Calais) Les forces de l’ordre ont procédé mardi matin à Calais au démantèlement d’un campement de migrants, où vivaient environ 800 personnes, la plus importante opération de ce type depuis l’évacuation de la « Jungle » en 2016.

Le démantèlement a débuté dans le calme vers 7 h (1 h heure de Montréal) dans le secteur dit de « la lande de Virval », autour de l’hôpital de Calais, bouclé par les policiers et autour duquel des tentes de la Protection civile avaient été dressées. Une vingtaine de migrants ont été conduits dans un autobus vers 7 h 30 (1 h 30 heure de Montréal), un deuxième est parti vers 8 h (2 h heure de Montréal).

Au cours de l’opération, « plus de 600 personnes isolées, réparties dans 30 autobus, ont été prises en charge et transportées vers des centres situés dans la région Hauts-de-France et d’autres régions françaises », selon un communiqué diffusé par la préfecture du Pas-de-Calais. Parallèlement, « 34 personnes en situation irrégulière ont été interpellées en vue d’un placement en retenue administrative ».

« Nous voulons éviter toute concentration et point de fixation nouveaux sur Calais et cette zone du Virval sera rendue inaccessible », a déclaré sur place le préfet Louis Le Franc, affirmant que cette évacuation était la plus « importante » depuis « le démantèlement de la lande de Calais », le bidonville où ont vécu jusqu’à 9000 migrants entre 2015 et 2016.

« À mes yeux, c’est d’abord une opération de mise à l’abri. Les migrants vivent dans cet espace boisé dans des conditions extrêmement difficiles. […] Il était important de sortir l’ensemble des migrants avant […] la période hivernale », a poursuivi M. Le Franc.  

La préfecture recensait environ 500 tentes sur place, estimant que la présence de ce campement posait « de sérieux problèmes de sécurité, de salubrité et de tranquillité en particulier pour le personnel et les usagers du Centre Hospitalier ».  

Les migrants pris en charge sont essentiellement des hommes, Somaliens, Soudanais, Iraniens, Irakiens ou encore Erythréens. La préfecture indique que 14 femmes et huit mineurs ont été « orientés vers des centres d’hébergement et de réadaptation sociale ».

Dans le sous-bois où étaient installés les migrants, qui montaient dans les bus en file indienne et par nationalité, de nombreuses tentes, duvets, couvertures, chaussures et vêtements ont été abandonnés. Canettes, déchets, caddies renversés et bâches jonchaient le sol, ainsi que des couvertures de survie.

« Une opération du communication »

« Notre objectif est aussi de lutter activement contre les passeurs », a insisté le préfet. Et de citer les tarifs exigés : 7000 euros (environ 11 000 $ CAN) pour une traversée en bateau « dans de bonnes conditions », 3000 euros (4700 $ CAN) dans de « mauvaises », alors que les tentatives de traversées par la mer ont fortement augmenté ces derniers mois.

Les associations, mobilisées depuis le 10 septembre contre l’interdiction de distribuer des repas aux migrants dans le centre-ville de Calais, seule une association mandatée par l’État étant autorisée, ont accueilli cette opération avec le plus grand scepticisme.

« Les gens reviendront dans quelques jours et s’installeront un peu plus loin. On dépense des fortunes à faire déplacer des dizaines de bus, la police, et ça ne sert strictement à rien. C’est une opération de communication, rien de plus », a déploré Maya Konforti, de l’Auberge des migrants.

« Imaginez, être réveillé à 3 h du matin, la police partout autour de vous, on vous force à monter dans des bus pour aller dans un lieu où vous ne voulez pas aller. À la moindre occasion, ils descendront du bus et reviendront, souvent à pied », a-t-elle encore relevé.  

« Quoi qu’il arrive, ils veulent se rendre en Angleterre,  en attendant ils errent dans la rue maintenant sans couverture, sans tente, ils n’ont plus rien, plus de vêtements », a dénoncé Yolaine Bernard de l’association Salam, qui a rencontré au cours d’une distribution alimentaire des personnes ayant « échappé » au démantèlement.

« Ce n’est ni bon pour les exilés ni pour les Calaisiens. On veut les cacher mais on les disperse juste partout en ville », conclut-elle.  

Les services de l’État estiment à un millier le nombre de migrants vivant à Calais, les associations à 1500. Selon la Défenseure des droits, Claire Hédon, qui avait dénoncé jeudi leurs conditions de vie « dégradantes et inhumaines », ils seraient de 1200 à 1500.