(Moscou) Le Kremlin a dénoncé lundi les tentatives « absurdes » d’accuser la Russie de l’empoisonnement de l’opposant Alexeï Navalny, victime d’un agent neurotoxique de type Novitchok selon Berlin qui a fixé un ultimatum de quelques jours à Moscou pour recevoir des explications.

Cette déclaration intervient alors que des appels à sanctionner la Russie se multiplient en Occident, des conséquences pour le projet de gazoduc Nord Stream 2 n’étant pas exclues si Moscou ne fournit pas les réponses attendues sur l’empoisonnement.

« Toute tentative d’associer la Russie de quelque manière que ce soit à ce qui s’est passé (avec M. Navalny, NDLR) est inacceptable à nos yeux », a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Ces tentatives sont « absurdes », a-t-il assuré.

Selon le gouvernement allemand, M. Navalny a « sans équivoque » été empoisonné en Russie lors d’une tournée électorale par un agent neurotoxique de type Novitchok, une substance conçue à l’époque soviétique à des fins militaires.  

Berlin et les autres pays occidentaux pointent du doigt les autorités russes et les exhortent à fournir des explications.

Le ministre britannique des Affaires étrangères Dominic Raab a jugé ainsi « très difficile » de penser à une autre explication « plausible » que celle d’une « émanation de l’État russe ».  

Le bras de fer s’est durci dimanche, l’Allemagne fixant un ultimatum de quelques jours à Moscou pour « clarifier ce qui s’est passé ».

Nord Stream 2 menacé

Faute de ces clarifications, « nous allons devoir discuter d’une réponse avec nos partenaires » européens, a averti dans le quotidien Bild le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas, dont le pays préside actuellement l’Union européenne, en évoquant d’éventuelles sanctions « ciblées ».

Interrogé lundi sur le fait de savoir si Angela Merkel chercherait à épargner le gazoduc Nord Stream 2 en cas de sanctions contre Moscou dans cette affaire, le porte-parole de la dirigeante allemande Steffen Seibert a répondu lors d’un point-presse régulier : « La chancelière considère qu’il serait erroné de l’exclure dès le départ ».  

Censé approvisionner l’Allemagne et l’Europe en gaz russe, ce projet phare entre la Russie et l’Europe a jusqu’ici été très cher à l’Allemagne, eu égard aux intérêts économiques et énergétiques majeurs en jeu : plus d’une centaine d’entreprises européennes, allemandes pour la moitié, y sont associées.

La Russie, qui rejette toute implication, a de son côté reproché à Berlin « de retarder le processus de l’enquête qu’elle réclame » en ne transmettant pas les pièces du dossier aux autorités russes.

Selon M. Peskov, Moscou n’a pas encore reçu ces éléments, mais s’attend à ce que l’Allemagne fournisse toutes les informations nécessaires à la Russie « dans les prochains jours ».

« Nous les attendons avec impatience », a-t-il ajouté.

Alexeï Navalny, connu pour ses enquêtes anticorruption visant l’élite politique russe, s’est trouvé mal le 20 août et a été hospitalisé en urgence à Omsk en Sibérie, avant d’être évacué vers Berlin à l’issue d’un bras de fer entre son entourage et les médecins russes.  

Il est actuellement dans le coma artificiel à l’hôpital berlinois de la Charité.

L’agent neurotoxique Novitchok avait déjà été utilisé contre l’ex-agent double russe Sergueï Skripal et sa fille Ioulia en 2018 en Angleterre. Selon les autorités britanniques, le GRU, le renseignement militaire russe, était le principal suspect.  

Cette affaire avait déjà entraîné des sanctions contre la Russie, qui avait nié toute implication.