(Minsk) Le président Alexandre Loukachenko a ordonné samedi à l’armée de prendre les « mesures les plus strictes » pour défendre l’intégrité territoriale de la Biélorussie, secoué par un mouvement de protestation depuis l’élection présidentielle controversée du 9 août.

De son côté, dans un entretien avec l’AFP à Vilnius, la capitale lituanienne où elle s’est réfugiée après ce scrutin contesté qu’elle affirme avoir remporté, la cheffe de file de l’opposition biélorusse, Svetlana Tikhanovskaïa, a estimé que cette décision du chef de l’État était « une tentative de nous détourner des problèmes intérieurs » et a appelé à la poursuite des manifestations contre le régime.

Âgé de 65 ans, M. Loukachenko, qui gouverne la Biélorussie d’une main de fer depuis 26 ans, est allé samedi inspecter les unités militaires déployées à Grodno, dans l’ouest, près de la frontière polonaise, selon un communiqué diffusé par la présidence biélorusse.

Arrivé sur le polygone militaire de cette ville, il a dénoncé le mouvement de protestation impulsé selon lui « de l’extérieur ».

PHOTO VASILY FEDOSENKO, REUTERS

Une nouvelle manifestation a été organisée par l’opposition, samedi à Minsk.

« J’ordonne au ministre de la Défense […] de défendre avant tout la perle occidentale de la Biélorussie dont le centre est à Grodno. Et de prendre les mesures les plus strictes pour défendre l’intégrité territoriale de notre pays », a déclaré M. Loukachenko.

Il a affirmé constater d’« importants agissements des forces de l’OTAN à proximité immédiate » des frontières biélorusses, sur les territoires polonais et lituanien.

Dans ce contexte, Alexandre Loukachenko a annoncé que l’essentiel des forces armées biélorusses avaient été placées en état d’alerte.

Ces déclarations interviennent à un moment où de vastes manœuvres militaires biélorusses sont prévues dans la région de Grodno, pour entre les 28 et 31 août.

« Propagande du régime »

L’Alliance atlantique a pour sa part démenti samedi soir tout « renforcement » à la frontière de la Biélorussie, assurant que les allégations en ce sens étaient « sans fondement ».

« Comme nous l’avons déjà dit clairement, l’OTAN ne représente aucune menace pour la Biélorussie ou tout autre pays et n’a pas de renforcement militaire dans la région », peut-on lire dans un court communiqué.

Le gouvernement du président Loukachenko « cherche à détourner l’attention des problèmes intérieurs biélorusses à tout prix avec des déclarations tout à fait sans fondement sur des menaces extérieures imaginaires », a quant à lui dit à l’AFP le président lituanien Gitanas Nauseda.

Krzysztof Szczerski, le chef de cabinet du président polonais, a réagi sur le même registre, qualifiant les déclarations du chef de l’État biélorusse de « propagande du régime », qu’il a qualifiée de « déplorable et étonnante ». « La Pologne […] n’a aucun projet de ce genre », a-t-il déclaré à l’agence de presse polonaise PAP.

La figure de proue de l’opposition biélorusse, Svetlana Tikhanovskaïa, a de son côté estimé dans son entretien accordé à l’AFP qu’Alexandre Loukachenko n’avait plus d’autre choix que d’engager le dialogue avec l’opposition.

« Je suis si fière des Biélorusses maintenant, car, après 26 ans de peur, ils sont prêts à défendre leurs droits ». « Je les appelle à continuer, à ne pas s’arrêter, parce que c’est vraiment important maintenant de rester unis dans la lutte pour nos droits », a-t-elle encore déclaré, à la veille d’importantes manifestations programmées pour dimanche en Biélorussie.

« Ils doivent comprendre que nous ne sommes pas un mouvement de protestation. Nous sommes le peuple de la Biélorussie, nous sommes une majorité et nous ne partirons pas. Nous n’avons plus peur d’eux », a martelé cette professeure d’anglais de 37 ans.

Faisant face à un mouvement de contestation inédit dans son pays, une ex-république soviétique, et clamant avoir remporté la présidentielle avec 80 % des voix, M. Loukachenko a pour sa part annoncé vendredi qu’il allait « régler le problème » du mouvement de protestation.

Un « conseil de coordination », destiné à promouvoir la transition politique après l’élection, a été formé cette semaine par l’opposition, mais les autorités ont entamé jeudi à son encontre des poursuites pour « atteinte à la sécurité nationale ».

Le secrétaire d’État adjoint américain Stephen Biegun se rendra quant à lui la semaine prochaine en Lituanie et en Russie pour discuter de la situation en Biélorussie.

Il prévoit rencontrer à cette occasion Svetlana Tikhanovskaïa, selon l’entourage de cette dernière.