(Madrid) Fermeture des discothèques, interdiction de fumer dans la rue, horaires restreints pour les bars et restaurants : l’Espagne déjà très endeuillée déploie à nouveau un arsenal sanitaire pour freiner la contagion galopante du coronavirus.

Devant les 3000 nouveaux cas enregistrés dans le pays deux jours de suite, les discothèques, bars de nuit et salles de danse devront refermer leurs portes et les restaurants ne pourront plus accueillir de clients après minuit.

Au terme d’une réunion d’urgence, les autorités sanitaires de toutes les régions et le ministre de la Santé Salvador Illa ont pris à l’unanimité une série de mesures pour endiguer la propagation du virus.

Des centaines de nouveaux foyers ont été détectés dans tout le pays. L’Espagne a atteint une moyenne de 111 cas de COVID-19 pour 100 000 habitants sur les 14 derniers jours, contre 33,6 en France ou 17 au Royaume-Uni.

L’ordre des médecins a appelé jeudi les autorités à « redresser la barre » pour lutter contre l’accélération de la contagion.

Le ministre de la Santé n’a pas de doute sur l’origine du mal : « Les sorties nocturnes sont actuellement à l’origine de ces foyers épidémiques avec une hausse du nombre des cas associés ».  Et ce sont ces mêmes foyers qui sont ensuite « à l’origine d’une grande partie de la transmission communautaire », c’est-à-dire quand on ne peut plus remonter au contact originel.

Pour réduire cette activité nocturne, les restaurants et les bars devront fermer à une heure du matin et ne pourront plus recevoir de clients après minuit. Les contrôles de police pour mettre fin aux fêtes sauvages dans la rue ou sur les plages seront renforcés.

Dans les maisons de retraite, qui enregistrent de nouveau la plupart des décès, les visites seront limitées et tous les nouveaux résidants devront être testés à leur admission.  

Les régions seront tenues d’effectuer des campagnes de tests dans les groupes de population à risque et dans les quartiers et les agglomérations particulièrement atteints par la contagion.

Le port du masque dans la rue est déjà obligatoire sur tout le territoire et les fumeurs ne pourront plus l’enlever pour griller une cigarette ou vapoter s’ils sont à moins de deux mètres de quelqu’un.

PHOTO JOSE JORDAN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Restrictions contestées

Dénonçant « un manque de coordination » du gouvernement avec les restaurateurs, le syndicat patronal des restaurateurs d’Espagne a réclamé des « mesures à caractère compensatoire » pour « un secteur qui représente 6,2 % du PIB (du pays) et qui emploie 1,7 million de personnes ».

« On se contamine autant à midi qu’à minuit », s’agace derrière son comptoir José Ramón Fernández, le front en sueur entre deux commandes à l’heure du déjeuner.  

PHOTO NACHO DOCE, REUTERS

Les Espagnols dînent beaucoup plus tard que leurs voisins européens et les restaurants restent habituellement ouverts bien après minuit.  

Pour le serveur de 46 ans, en réduisant les horaires d’ouverture, « ils réduisent aussi le bénéfice de l’établissement […] qui doit déjà se remettre de la crise qu’il a traversée » quand tous les établissements étaient fermés.

Quant à la nouvelle prohibition de la cigarette dans les lieux publics, elle laisse certains dubitatifs comme Julien García, un traducteur rencontré par l’AFP dans les rues de Madrid.

Ce fumeur de 34 ans « s’y perd. Personne n’est d’accord en Europe. En France, ils disent que la fumée de cigarette ne transmet pas la COVID ».

L’Espagne, qui compte déjà 28 617 morts, un des bilans les plus lourds d’Europe, avait vécu du 14 mars au 21 juin un des confinements les plus stricts au monde. Mais deux semaines après la fin de l’état d’alerte, les chiffres de la contagion repartaient à la hausse.

Les autorités soulignent cependant que la situation n’a rien avoir avec la crise du printemps, quand elles ont enregistré jusqu’à 950 morts par jour et que certains hôpitaux étaient débordés. La plupart des nouveaux cas sont asymptomatiques, disent-elles, et depuis le 21 juin on ne compte que 294 décès.