Ils ont joint leurs mains et crié « je vous aime » : près de 110 migrants fuyant la Libye ont été secourus jeudi lors de deux opérations, coup sur coup, du navire humanitaire Ocean Viking, au large de l’île italienne de Lampedusa.  

A chaque fois, la même scène. Des dizaines de personnes agglutinées depuis parfois deux jours sous un soleil accablant, à bord d’un bateau en bois, sur lesquels des moteurs ont été artisanalement ajoutés pour tenter la traversée de la Méditerranée centrale au péril de leur vie.

Vers 17 h 30, ce sont 67 personnes de tous âges et tous horizons que le bateau-ambulance de l’ONG SOS Méditerranée a retrouvées sur un bateau gris d’à peine 10 mètres, en pleine mer, à 52 milles nautiques – environ 100 km – au « sud-sud ouest » de l’île italienne de Lampedusa.

« Je vous aime tous ! », s’est écrié l’un des passagers de l’embarcation au moment de l’arrivée des marins-sauveteurs de l’Ocean Viking, à bord duquel un journaliste de l’AFP est embarqué.

Pouces levés, doigts en « V » en signe de soulagement, ils ont été amenés à bord du navire sur lequel SOS Méditerranée a mis en place un parcours COVID-19 et de strictes mesures pour éviter, à tout prix, une contagion du virus. Une équipe médicale leur a fourni un masque chirurgical et vérifié immédiatement leur température.

« Libye, pan pan », a mimé l’un d’eux, ses doigts en forme de gâchette, en patientant pour se voir remettre un sac contenant une bouteille d’eau et une barre protéinée.

L’embarcation avait « été repérée par Moon Bird, l’avion de l’ONG Sea-Watch, dont l’Ocean Viking a reçu un signalement », a expliqué SOS Méditerranée.

Ces 67 hommes ou adolescents, pour beaucoup originaires du Bangladesh ou du Maroc, ont rejoint à bord 51 autres personnes dont une femme, la seule, secourues plus tôt dans la journée aux alentours de midi.

Quatorzaine

L’opération s’était déroulée beaucoup plus près de Lampedusa, à 16 milles nautiques exactement (une trentaine de kilomètres). Cette fois, il s’agissait d’un bateau bleu à la dérive, dont les deux moteurs étaient en panne.

A bord, essentiellement des Pakistanais (31) et des Erythréens (11), dont certains affirment avoir dérivé environ deux jours après leur départ de Zouara en Libye, près de la frontière Tunisienne.

Cette opération-là « a eu lieu à la croisée des zones de recherche et de sauvetage maltaise et italienne. Nous allons donc demander un lieu de débarquement sûr aux autorités de ces deux pays », souligne l’ONG.

Après trois mois d’inactivité à Marseille, son port d’attache, pour cause de coronavirus, l’Ocean Viking a repris ses opérations lundi sur fond d’explosion des traversées ces derniers mois (+150 % depuis la Libye entre janvier et fin mai, comparé à la même période l’an dernier, selon l’ONU).

Il se dirigeait vers le large des côtes libyennes quand une première alerte est tombée vers 6 h 30 jeudi, via l’association Alarm Phone, qui maintient un numéro d’urgence pour les situations de détresse en Méditerranée.

Le navire a dévié de sa trajectoire pour faire route vers Lampedusa, où un premier bateau en bois lui avait été signalé. A son arrivée au large des eaux italiennes, l’Ocean Viking a constaté que ces personnes avaient été prises en charge par les garde-côtes italiens.

Mercredi déjà, plusieurs embarcations de migrants sont ainsi arrivées, par elle-même et en quelques heures, à Lampedusa (distante de 130 km des côtes tunisiennes et de 290 km des côtes de Libye), a par ailleurs rapporté l’agence de presse italienne Agi.

Ces dernières semaines, la gestion de la crise sanitaire est devenue un casse-tête pour les navires humanitaires : à la suite de la découverte de plusieurs cas positifs de COVID-19 parmi les migrants secourus par le Sea-Watch 3, l’Italie, où les débarquements reprennent progressivement, a rappelé le protocole pour ces personnes secourues.

Tous, en débarquant, sont soumis à une quatorzaine dans un centre dédié ou à bord d’un autre navire, comme c’est le cas pour les migrants du Sea-Watch 3, transférés sur le ferry Moby Zazà, amarré dans le port sicilien de Porto Empedocle.

À bord de l’Ocean Viking, une personne souffrant de fièvre a immédiatement été placée à l’isolement, par précaution, en attente de vérification.