(Heathrow) Afin d’éviter l’importation de cas de nouveau coronavirus pendant son déconfinement, le Royaume-Uni a commencé lundi à imposer une quarantaine de deux semaines à toute personne arrivant de l’étranger, une mesure critiquée qui affole les secteurs aérien et du tourisme.

Cette «quatorzaine», qui sera réexaminée par le gouvernement britannique toutes les trois semaines, concerne toutes les arrivées par terre, mer et air, que les voyageurs résident ou pas au Royaume-Uni.  

Elle vise à éviter des cas de COVID-19 venus de l’étranger au moment où le pays lève progressivement les restrictions mises en place fin mars pour contenir la propagation du virus.

« J’espère vraiment que les gens pourront prendre l’avion, partir en vacances cet été, mais nous devons commencer par adopter une approche prudente », a plaidé dimanche le ministre de la Santé, Matt Hancock, sur la chaîne de télévision Sky News.

Contrôles et amendes

Des contrôles aléatoires seront mis en œuvre et les contrevenants s’exposent à une amende de 1000 livres (1122 euros). Des exceptions sont prévues pour les transporteurs routiers, les personnels de santé, les cueilleurs de fruits ou les voyageurs en provenance d’Irlande.

A l’aéroport londonien d’Heathrow, les emplois de 25 000 personnes sont menacés, soit le tiers des effectifs totaux, a prévenu le patron de l’aéroport, John Holland-Kaye, dans le podcast du quotidien du centre des affaires londonien City AM.  

Parmi les voyageurs s’y trouvant lundi, les avis sont mitigés.

« C’est une bonne idée », a dit à l’AFP Sandy Banks, 45 ans, de retour de Jamaïque avec ses trois enfants, « d’autres pays le font ». Elle assure qu’elle restera à la maison deux semaines, et demandera à ses proches de se déplacer pour venir la voir si besoin.

Un avocat néerlandais vivant à Londres, tout juste rentré d’une semaine à Amsterdam juge, lui, la mesure « folle ». « Il y a plus de personnes qui sont malades et qui meurent au Royaume-Uni, c’est l’Europe qui devrait probablement se protéger de nous ».

Le Royaume-Uni dénombre 40 542 morts de personnes testées positives au nouveau coronavirus-et même plus de 48 000 en incluant également les cas suspects-, pour près de 287 000 contaminations, selon le dernier bilan officiel, dimanche.  

Le service national des statistiques (ONS) a estimé à plus de 5500 le nombre de contaminations quotidiennes fin mai en Angleterre.  Et, selon une étude des autorités de santé anglaises (PHE England) et de chercheurs de l’université de Cambridge, le virus accélère même légèrement sa propagation dans certaines régions depuis le début du déconfinement.

Le conseiller scientifique du gouvernement, Patrick Vallance, a lui-même estimé, devant la presse, que la décision d’imposer cette quarantaine était plus politique que scientifique, bien que le gouvernement se targue de suivre scrupuleusement les avis scientifiques.  

Action en justice

Mis à terre par la pandémie, les professionnels de l’aviation et du tourisme sont très remontés contre cette mesure.  

Les compagnies aériennes British Airways, EasyJet et Ryanair ont demandé dimanche au gouvernement de renoncer à cette « quarantaine inefficace, qui aura un effet dévastateur sur l’industrie touristique britannique et détruira […] des milliers d’emplois ». Elles ont cosigné une lettre officielle adressée vendredi au gouvernement, étape préliminaire à une éventuelle action en justice.  

« Des milliers d’Européens qui se rendraient normalement au Royaume-Uni en juillet et en août, pendant la haute saison, ne viendront pas parce qu’ils sont terrifiés par cette quarantaine », a déploré le patron de Ryanair, Michael O’Leary sur Sky News lundi.

La fronde s’est propagée jusqu’au sein des députés de la majorité conservatrice, qui craignent que le gouvernement ne sabote l’économie, déjà terrassée par la crise sanitaire.  

Comme porte de sortie, le gouvernement de Boris Johnson réfléchit à instaurer des ponts aériens avec certaines destinations touristiques, comme la France ou l’Espagne, ce qui permettrait de contourner la quarantaine. Selon le Sunday Times, le dirigeant a prié son ministre des Transports de trouver une solution avant fin juin.