(Paris) Le gouvernement français planche lundi sur les ultimes arbitrages pour peaufiner le périlleux plan de déconfinement qu’il présentera mardi devant les députés, alors que le chômage affiche une hausse historique pour le mois de mars.

À la veille de cette réunion cruciale à l’Assemblée nationale, le dernier bilan publié par les autorités sanitaires montre une nouvelle accélération du nombre des morts après plusieurs jours de ralentissement : 437 nouveaux décès liés à la COVID-19 ont été enregistrés en 24 heures. A titre de comparaison, le nombre des décès sur 24 heures s’établissait à 242 dimanche et 369 samedi.

La France compte donc 23 293 morts de l’épidémie depuis le 1er mars, selon la Direction générale de la santé (DGS) qui souligne en revanche que le nombre de patients COVID-19 en réanimation (4608) continue de baisser pour la 19e journée consécutive, avec un solde négatif de-74 malades.

Parmi les morts : l’ancien sénateur Henri Weber, cofondateur de la Ligue communiste révolutionnaire, figure de la gauche et de mai 68, décédé à 75 ans.

Le plan de déconfinement sera dévoilé mardi à 15 h (9 h heure du Québec) - à l’aube d’une septième semaine de confinement - à l’Assemblée nationale par le premier ministre Edouard Philippe, avec un vote dans la foulée malgré les protestations de partis d’opposition. Ils réclamaient un report du vote à mercredi.

« Une brutalité de plus », a dénoncé sur Twitter Jean-Luc Mélenchon (LFI), tandis que le patron des députés LR Damien Abad a demandé « 24 heures de plus pour un travail de fond en commission et la consultation de nos collègues qui ne pourront siéger ».

C’est un véritable exercice d’équilibriste pour le gouvernement qui doit tenter de relancer l’économie sans relancer l’épidémie.

Hausse record du chômage

La crise s’est traduite par une hausse record du chômage en mars de 7,1 % sur un mois (+246 100 personnes).

Résultat, le ministère du Travail dit vouloir engager « une réflexion avec les partenaires sociaux » pour « adapter rapidement » les règles d’assurance chômage. Les syndicats réclamaient unanimement, dès avant la crise sanitaire, que le gouvernement abandonne entièrement sa réforme de l’assurance chômage.

Il a suspendu jusqu’en septembre un volet qui durcit le calcul de l’allocation pour les travailleurs précaires, alternant contrats courts et périodes de chômage, et qui devait entrer en vigueur au 1er avril. Ce sont eux qui se sont inscrits à Pôle emploi en mars.  

Depuis six semaines, le pays est confiné pour freiner la propagation du virus.

La DGS a cependant insisté lundi soir sur une piste prometteuse de la recherche : un médicament, le tocilizumab, pourrait être une piste pour les patients dans un état grave, en réduisant la proportion de ceux qui doivent passer en réanimation, selon une étude française non encore publiée révélée par l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP).

A deux semaines du début du déconfinement, les questions sont nombreuses : où rendre les masques obligatoires ? Quels tests et pour qui ? Réouverture des commerces partout ou par régions ? Quid des entreprises ? Et les vacances d’été ?

Le Conseil scientifique chargé d’éclairer le gouvernement a livré samedi soir ses recommandations pour une « levée progressive et contrôlée du confinement ».  

Avis des pédiatres

Divergence notable avec les choix gouvernementaux, il préconise que crèches et établissements scolaires restent fermés jusqu’en septembre mais a pris « acte de la décision politique » de les rouvrir progressivement dès mai, en « prenant en compte les enjeux sanitaires mais aussi sociétaux et économiques ».

« Le conseil scientifique est là pour donner un certain nombre d’informations mais c’est le pouvoir politique qui décide », a expliqué à l’AFP son président, Jean-François Delfraissy.

Pour la rentrée scolaire, qui doit être progressive, le conseil préconise notamment le port obligatoire d’un masque antiprojections dans les collèges et lycées, pour le personnel et les élèves.

Les experts suggèrent aussi le déjeuner en classe, la prise de température à la maison chaque matin avant l’école et des stratégies pour éviter les brassages d’élèves. Mais ils écartent la faisabilité et l’intérêt d’un dépistage massif.  

Cette note devrait servir de « base », a jugé Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale.

Les pédiatres, par la voix de leurs instances, se sont pour leur part déclarés favorables lundi au retour des enfants à l’école, « dans le respect des mesures barrières dont l’application doit être adaptée aux différentes tranches d’âges », faisant valoir qu’ils sont peu touchés par les formes graves de la maladie et « moins souvent porteurs du Sars-Cov-2 que l’adulte ».

Au-delà des questions scolaires, le Conseil scientifique préconise d’autoriser les déplacements entre régions par transports en commun si les mesures de précaution sont respectées. Il déconseille cependant « fortement » les déplacements internationaux pendant encore quelques mois.

Les principaux syndicats de la SNCF et de la RATP s’inquiètent des conditions du déconfinement dans les trains, RER et métro.

Pourra-t-on alors partir en vacances cet été ? « Les deux mois qui viennent sont cruciaux », a expliqué Franck Chauvin. « Si le nombre de nouveaux cas par jour commence à ré-augmenter, c’est que l’épidémie va repartir, et donc il va falloir reprendre des mesures ».