(Bruxelles) Il y a Clémentine, qui allait porter une tarte à une copine. Les flics l’ont interpellée. Elle n’avait pas son attestation. Cent trente-cinq euros (200 $) d’amende.

Il y a Mathieu, qui travaillait sur son bateau. La police lui a demandé ce qu’il faisait si loin de chez lui. Cent trente-cinq euros d’amende.

Il y a Guylaine, qui jouait avec ses enfants près du port. Les policiers l’ont verbalisée. Cent trente-cinq euros d’amende.

Troisième pays le plus touché d’Europe derrière l’Italie et l’Espagne, avec 37 000 cas confirmés et 2314 décès, la France n’entend pas à rire pour freiner la progression du nouveau coronavirus. Depuis la mise en œuvre des mesures de confinement, le 16 mars, 225 000 « PV » (constats d’infraction) auraient été distribués par les forces de l’ordre pour non-respect de la loi, sur un total de 3,7 millions de contrôles policiers.

Pour résumer, il est désormais interdit de sortir de chez soi sans une « attestation de déplacement dérogatoire ». Ce document, qui doit être imprimé ou manuscrit, autorise à se déplacer une fois par jour, à un kilomètre de son logement maximum. Et encore, seulement pour faire l’épicerie, se dégourdir les jambes, ou en cas de force majeure.

Ces mesures sont à peu près semblables à celles qui sont en vigueur en Espagne, où l’exercice physique n’est toutefois pas considéré comme un motif de sortie valable. Idem en Italie, où il est, par ailleurs, strictement interdit de… « conduire une moto à deux » (c’est le décret qui le dit !).

Sachant à quel point les Français aiment « descendre dans la rue », on comprend que certains fassent fi des restrictions. Mais les forces de l’ordre ne sont manifestement pas enclins à la tolérance.

Vendredi, des associations de défense des droits de la personne ont dénoncé le recours à des contrôles « abusifs » et des « violences » policières, après avoir vu des vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux. Il est vrai que certains agents ont eu un recours à la force exagéré, notamment dans les banlieues dites « sensibles ». Ces abus pourraient compromettre la « cohésion sociale » et l’« adhésion de certaines personnes aux mesures de confinement », écrit le collectif, qui regroupe notamment Human Rights Watch et la Ligue des droits de l’homme.

« J’avoue que j’ai un sentiment de révolte, conclut Clémentine, qui attend de recevoir son constat d’infraction par la poste. D’un côté on demande à certaines personnes d’aller travailler. De l’autre on m’arrête parce que je suis allée porter une tarte à 10 minutes de chez moi… »

On espère que le Québec n’en arrivera jamais là. Mais si vous voulez savoir à quoi ressemble l’attestation française, la voici. Les mesures de confinement ont été prolongées en France jusqu’au 16 avril.

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En France, il est désormais interdit de sortir de chez soi sans une attestation de déplacement dérogatoire.

Oh, beau badge !

Pour tout dire, les contrôles sont beaucoup plus souples en Belgique. Des « agents de la paix », tout de mauve vêtus, circulent dans les rues et demandent gentiment aux gens de rentrer chez eux, s’il vous plaît. Sympathique : ils arborent de gros macarons bleus sur lesquels on peut lire « Je suis à 150 cm », distance qu’il faut désormais conserver par rapport à autrui, sous peine de sanction. Ce n’est qu’après récidive que la police interviendra.

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En Belgique, des « agents de la paix », tout de mauve vêtus, arborent de gros macarons bleus sur lesquels on peut lire « Je suis à 150 cm », distance qu’il faut désormais conserver par rapport à autrui, sous peine de sanction.

Il faut savoir que les mesures de confinement sont beaucoup moins radicales au pays de Tintin. Pas besoin d’attestation pour sortir. On a aussi le droit de faire du vélo, pourvu que la « distanciation sociale » soit respectée. « Il faut que tout cela reste vivable », a déclaré jeudi la ministre de la Santé, Maggie De Block. La Ville de Bruxelles a aussi mis en ligne une carte indiquant la fréquentation, en temps réel, des parcs et espaces verts. Utile, étant donné que la Belgique a prolongé sa quarantaine jusqu’au 19 avril.

Pendant ce temps, en Suède…

Ils étaient trois, il n’en reste plus qu’un seul. Maintenant que le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont décidé d’adopter une stratégie moins laxiste, la Suède demeure le seul pays d’Europe de l’Ouest à faire le pari de l’« immunité de masse ». Les autorités suédoises espèrent que la population sera assez largement contaminée pour qu’elle développe d’elle-même l’immunité contre le virus.

Là-bas, donc, pas de confinement. Les bars, les restaurants et les magasins restent ouverts, tout comme les écoles primaires et les maternelles. Quant aux rassemblements, ils sont interdits à partir de 500 personnes seulement.

Témoignage de Patrice Létourneau, un Québécois vivant à Stockholm : « Les Suédois sont plutôt conformistes, donc ils se confinent d’eux-mêmes. Il y a beaucoup moins de fréquentation dans les commerces. Mais le gouvernement se retient d’imposer. Les Suédois sont des gens très rationnels. Ils sont très satisfaits de la façon dont les autorités gèrent la situation. Les “expats”, par contre, pas du tout. Ils se demandent pourquoi la Suède fait cavalier seul avec cette approche. »

Personnellement, je pense que les Suédois devraient être plus nerveux. C’est vrai, par contre, que le nombre de nouveaux cas détectés est relativement faible.

Patrice Létourneau, Québécois vivant à Stockholm

Aux dernières nouvelles, la Suède comptait seulement un peu plus de 3400 cas et 105 décès, sur une population de 10 millions d’habitants.

Libraires en Belgique : le beau malentendu

En temps de quarantaine, chacun ses services « essentiels ». Au Québec, on a choisi de maintenir les SAQ ouvertes au public. En Belgique, on a décidé de faire de même avec les… librairies.

C’est du moins ce qu’a annoncé le gouvernement belge la semaine dernière, en dévoilant ses nouvelles mesures de confinement. « Pour confiner moins con », titrait à ce sujet un texte de l’AFP.

Personnellement, on a trouvé l’idée géniale. Alors on a voulu vérifier. Mais notre longue marche dans les rues – très silencieuses – de Bruxelles s’est avérée infructueuse. On a croisé le Manneken-Pis portant un masque chirurgical, mais aucune, vraiment aucune librairie ouverte.

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Le Manneken-Pis portant un masque chirurgical

Fake news ? Malentendu, disons. C’est Pierre Dumoulin, propriétaire de la librairie Novembre, aperçu derrière ses portes closes, qui nous explique : 

« En Belgique, on appelle librairie tout commerce qui vend aussi des magazines, du tabac, des billets de loto. C’est ce service qui est jugé essentiel, pas les magasins de livres ! Notre gouvernement n’est pas particulièrement porté sur la culture, alors j’aurais dû m’en douter. C’était trop beau pour être vrai ! Mais la confusion a régné pendant quelques jours. Il a fallu que le gouvernement mette les points sur les i. »

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Pierre Dumoulin, propriétaire de la librairie Novembre, à Bruxelles

Pierre hausse les épaules. Cette fermeture ne l’enchante pas. Mais il continue de faire des affaires. Ses clients commandent par Facebook et il livre les bouquins lui-même, à vélo.

Cocasse : cette confusion a eu des échos jusqu’en France, où les libraires indépendants ont commencé à réclamer les mêmes droits, arguant qu’Amazon et les grandes surfaces profitaient de la situation. Le ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, a répondu qu’il n’était pas contre l’idée de confiner moins con. C’était avant que la situation belge se précise…

Masque de la semaine

Pénurie de masques de ventilation ? Isinnova a peut-être trouvé la solution. Cette entreprise italienne a eu l’idée de transformer des masques Décathlon pour la plongée en masques de respiration. Ces masques seraient actuellement testés en France, et la province de Brescia, dans le nord de l’Italie, en aurait déjà commandé 500 exemplaires ! La nécessité est mère de l’invention…