Nouveau mot d’ordre pour les 60 millions d’Italiens : « Restez chez vous. » Rome a décidé, lundi soir, de généraliser les mesures de confinement à l’ensemble du pays, qui devient le premier du monde à imposer des mesures aussi draconiennes pour tenter d’enrayer la propagation du COVID-19. Avec plus de 113 000 cas d’infection recensés dans le monde et 4000 décès, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que la menace de pandémie « est devenue très réelle ».

« Je vais signer un décret que l’on peut résumer ainsi : “Je reste chez moi.” Il n’y aura plus de “zone rouge dans la péninsule”. […] L’Italie tout entière deviendra une zone protégée », a affirmé sur un ton grave le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, lors d’un point presse au siège du gouvernement, à Rome.

« Sur tout le territoire national est interdite toute forme de rassemblement de personnes dans des lieux publics ou ouverts au public », indique le décret.

Les mesures de confinement imposées au quart des Italiens, dimanche, concernent désormais l’ensemble de la population, selon ce décret signé lundi soir. Les mesures entrent en vigueur ce mardi et seront valables jusqu’au 3 avril pour l’ensemble de l’Italie, là où le coronavirus a déjà fait 463 morts.

Il faudra éviter [les déplacements] sur tout le territoire de la péninsule, sauf s’ils sont motivés par des motifs professionnels justifiés, par des cas de nécessité ou encore par des motifs de santé.

Extrait du décret signé lundi soir, à Rome

Initialement prévue jusqu’au 15 mars, la fermeture des écoles et des universités restera en vigueur jusqu’au 3 avril. Tous les événements sportifs, « de tout niveau et de toute discipline », sont annulés, y compris le championnat de soccer – véritable institution dans le pays. Seules les compétitions organisées par des institutions internationales pourront se tenir, mais à huis clos, selon le décret. Les entreprises, publiques et privées, sont invitées à mettre leur personnel en congé. Les cérémonies religieuses (mariage, baptême, funérailles) sont aussi interdites.

ISOLEMENT, PROVISIONS ET CONFUSION

Le Québécois Guy Djandji devait visiter l’Italie dans quelques jours. Il a espéré jusqu’à la dernière minute pouvoir visiter la péninsule.

« On avait fait des réservations pour les Musées du Vatican et ils m’ont informé par courriel que tout serait fermé. Lundi, la personne à qui je louais l’appartement m’a annoncé qu’elle était coincée chez elle et qu’elle ne pouvait donc plus me louer son appartement. J’ai des cousins qui devaient faire du ski, on les a mis à la porte, la station a fermé », énumère M. Djandji, joint par téléphone lundi soir, en Espagne.

Tous les musées et lieux de culture seront fermés. Les stations de ski dans tout le pays seront fermées jusqu’au 3 avril. Les piscines, salles de sport, centres culturels et centres de bien-être doivent aussi suspendre leurs activités. Les bars et restaurants peuvent rester ouverts, de 8 h à 18 h, mais ils doivent respecter la distance de sécurité d’au moins un mètre entre les clients.

« Toute l’Italie est dans un état de siège, carrément. Tout le monde me déconseille d’y aller. Il n’y a que le gouvernement du Canada qui n’a pas émis d’avis “d’éviter tout voyage non essentiel” sur l’ensemble de l’Italie. Et c’est embêtant parce que c’est seulement avec un avis du gouvernement que les cartes de crédit peuvent nous rembourser les dépenses perdues », regrette le voyageur, qui annulera quand même toutes ses réservations en Italie.

À l’annonce du décret, lundi soir, des Italiens apeurés ont pris d’assaut des supermarchés ouverts 24 h. 

Des images véhiculées par des médias locaux montraient des employés à l’entrée des supermarchés de Rome ou de Naples réguler les entrées des consommateurs, qui faisaient sagement la file. Les titres des journaux italiens de mardi ne manqueront pas d’allonger les files d’attente : « L’Italie fermée », « Tous à la maison », « Protection totale », « Tout ferme » pourront lire les Italiens.

Or, le gouvernement a indiqué que les supermarchés resteront ouverts et seront « régulièrement » approvisionnés. Il recommande à la population de ne pas « s’affoler pour acheter des denrées alimentaires ou des biens de première nécessité, qui pourront être achetés dans les prochains jours ».

Une centaine de pays sont touchés, si bien que « la menace d’une pandémie [une propagation mondiale d’une nouvelle maladie] est devenue très réelle », a dit lundi Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé. Dans le même souffle, il a souligné que si tel est le cas, « ce serait la première pandémie de l’histoire qui pourrait être contrôlée ». « Même si nous appelons cela une pandémie, nous pouvons encore la contrôler, a-t-il répété. Nous devons nous rappeler qu’avec des actions rapides et décisives, nous pouvons ralentir le coronavirus et empêcher de nouvelles infections. » À l’échelle mondiale, l’OMS dénombrait lundi plus de 113 000 cas confirmés dans 101 pays et territoires, et un peu plus de 4000 décès.

Un premier mort au Canada

Le COVID-19 a fait un premier mort au Canada. La victime est un homme qui se trouvait dans un centre de soins de la Colombie-Britannique. En date du 9 mars, au moins 72 cas ont été confirmés au Canada : 34 en Ontario, 27 en Colombie-Britannique, 7 en Alberta et 4 au Québec. 

En France et en Allemagne, les rassemblements de plus de 1000 personnes ont été interdits. Toute personne qui entrera en Israël devra observer une quarantaine de deux semaines. L’Irlande a annulé ses défilés de la Saint-Patrick. La mairie de Moscou a annoncé des amendes (allant jusqu’à 1500 $) pour ceux qui ne respecteraient pas les quarantaines. Chypre a indiqué lundi avoir enregistré ses deux premiers cas de personnes atteintes par le nouveau coronavirus, une annonce qui signifie que l’ensemble des 27 pays de l’Union européenne sont désormais touchés par l’épidémie. L’Albanie a aussi annoncé son premier cas, tout comme la Mongolie. L’Allemagne a annoncé deux premiers décès.

Aussi bien au Canada qu’aux États-Unis, les autorités recommandent maintenant d’éviter les croisières. Le gouvernement canadien procède au rapatriement de 230 passagers canadiens qui étaient à bord du Grand Princess, où au moins 2 passagers et 19 membres de l’équipage sont malades. Ceux qui présentent des symptômes ne pourront cependant pas être rapatriés à bord de l’avion affrété par Ottawa, dont le décollage était prévu lundi soir, et ils seront au besoin pris en charge par les services de santé américains. Ceux qui auront le feu vert pour rentrer au Canada devront passer 14 jours en quarantaine à la base militaire de Trenton, en Ontario. Quant aux voyages en avion, le Centre de contrôle des maladies, aux États-Unis, recommande aussi de les éviter si l’on fait partie des personnes les plus à risque, soit les personnes âgées ayant déjà un problème de santé.

Le Canada reste ouvert

La ministre fédérale de la Santé, Patty Hajdu, a réitéré lundi qu’il était hors de question de fermer les frontières aux voyageurs en provenance de certains pays où le COVID-19 frappe plus fort que d’autres. Elle a dû le préciser de nouveau après s’être fait poser la question par l’opposition conservatrice. « Nous savons que les frontières n’empêchent pas la propagation du virus, et l’Italie est un très bon exemple de cela », a-t-elle exposé à sa sortie de la Chambre des communes. C’est mieux de savoir qui franchit la frontière afin de mieux pouvoir les retracer au besoin, et c’est par ailleurs la préférence affichée par les provinces et des territoires, a indiqué Mme Hajdu.

Par ailleurs, un premier député de la Chambre des communes, le libéral Anthony Housefather, s’est placé en isolation volontaire, et ce, par « excès de prudence ». Il aurait pu être exposé au COVID-19 alors qu’il participait au congrès de l’American Israel Public Affairs Committee, événement qui a attiré 20 000 personnes à Washington, le 1er mars. « Nous avons reçu hier [dimanche] un courriel disant qu’un participant de Toronto a reçu un diagnostic positif au virus », a-t-il écrit à La Presse, lundi. « Je me sens parfaitement bien, et cela fait déjà une semaine que j’ai quitté le congrès », a indiqué l’élu, qui s’est réfugié dans son domicile à Montréal.

La vice-première ministre Chrystia Freeland a indiqué en Chambre que le gouvernement planchait sur « des mesures additionnelles » afin d’appuyer les travailleurs que le COVID-19 pourrait forcer à s’absenter du travail. Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, propose qu’un montant soit versé à ceux qui veulent faire leur part afin de freiner la propagation de la maladie, mais qui n’ont pas forcément une banque de congés de maladie suffisamment garnie. Le premier ministre Justin Trudeau a écrit à ses homologues des provinces et des territoires lundi pour leur demander d’informer Ottawa de leur « état de préparation » et de « tout problème d’approvisionnement ou de capacité » d’ici la rencontre à laquelle il les a conviés vendredi.

Des élus américains en quarantaine

Cinq élus du Congrès américain se sont aussi placés en quarantaine volontaire. Au moins deux d’entre eux ont eu des contacts avec Donald Trump après avoir été exposés au coronavirus.

L’élu de la Chambre des représentants Matt Gaetz voyageait, lundi même, à bord de l’avion présidentiel Air Force One qui ramenait Donald Trump vers Washington. Il a signalé un peu plus tard avoir été exposé « il y a 11 jours » à une personne qui a depuis subi un test positif au COVID-19. Un autre élu républicain de la Chambre, Doug Collins, a rencontré Donald Trump vendredi et lui a serré la main. Lundi, il a annoncé se mettre volontairement en quarantaine parce qu’il avait été exposé au coronavirus à la fin de février. Les élus ont été exposés au virus lors d’une grande conférence conservatrice (CPAC) à laquelle M. Trump et son vice-président Mike Pence ont aussi participé.

Les autorités de santé publique aux États-Unis ont invité les Américains âgés et qui ont un problème de santé à faire des provisions de vivres et de médicaments. S’il ne faut pas céder à la panique et se ruer vers les épiceries, les Américains à risque « seraient bien avisés de se tenir prêts », a dit la Dre Nancy Messonnier, l’une des responsables des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis. Les États-Unis en sont à 19 décès (18 dans l’État de Washington, 1 en Californie). La Dre Messonnier a rappelé que près de 80 % des personnes infectées s’en tirent bien, tandis que 20 % deviennent plus malades et que ce sont les personnes qui à la fois sont âgées et ont un problème de santé qui sont le plus à risque. Les personnes de plus de 80 ans sont les plus exposées, tandis que les enfants semblent jusqu’ici s’en tirer le mieux, les autorités chinoises n’ayant notamment rapporté aucun cas sévère de COVID-19 chez les jeunes de moins de 10 ans.

— Avec l’Agence France-Presse

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