(Francfort) Devenue obligatoire début janvier en Allemagne, l’impression systématique des reçus de caisse pour déjouer la fraude fiscale exaspère les petits commerçants, poussant le lobby du secteur à demander un aménagement.

« Les caisses des petits commerces ont des puces électroniques qui peuvent être lues à tout moment par l’administration des impôts. Pourquoi revenir à l’ancien système ? », s’étonne Christian Koch, propriétaire de la librairie berlinoise Hammett, auprès de l’AFP.

« C’est énervant, car sur 50 reçus que j’imprime par jour, je vais en jeter 49 à la poubelle », ajoute-t-il.

La loi allemande vient pourtant d’imposer aux détaillants équipés d’une caisse enregistreuse de remettre un reçu pour chaque achat, même pour un pain de quelques dizaines de centimes, y compris quand le client n’en veut pas.

Outre les libraires, les boulangers et patrons d’« Imbissbuden » (casse-croûtes) sont outrés, car leurs nombreuses transactions modiques créent une montagne de bons à imprimer.

Désignant vers midi une corbeille débordant de reçus jetés, une employée du casse-croûte francfortois Best Worscht in Town explique l’avoir « déjà vidée une fois », fustigeant « une vraie connerie pour l’environnement ».

Fraude fiscale

Votée en 2016 sous l’ancien ministre des Finances Wolfgang Schäuble, la loi sur les reçus de caisse a subitement ressurgi dans le débat en décembre 2019, juste avant sa mise en application.

Le ministre conservateur de l’Économie et proche d’Angela Merkel, Peter Altmaier, a supplié son collègue social-démocrate des Finances, Olaf Scholz, de renoncer à ce dispositif, d’autant que les reçus le plus souvent thermo-imprimés ne sont pas recyclables.

Et même une fois la loi en vigueur, la fédération HDE du commerce de détail a encore proposé mardi, dans une lettre à M. Scholz, de délivrer de cette obligation les commerçants remettant en moyenne plus de 500 reçus par jour.

« Cela représente un bon par minute pour un magasin ouvert pendant 9 heures par jour », détaille ce courrier obtenu par l’AFP.

Mais jusqu’à présent, le ministre social-démocrate a exclu tout aménagement au nom de la lutte contre la fraude fiscale, difficile par nature à évaluer mais estimée par le syndicat des impôts à quelque 10 milliards d’euros.

« Je ne pense pas que le petit commerce essaie beaucoup d’échapper aux impôts », plaide de son côté Sarah, une cliente de la librairie Hammett. « Il faudrait plutôt s’occuper de ceux comme Amazon, et faire en sorte qu’ils paient des impôts en Allemagne », selon elle.

Budget prohibitif

L’administration allemande a dans le collimateur la restauration et d’autres secteurs habitués aux règlements en espèces, où fleurissent les cas de fraude.

Aussi, Berlin oblige les commerçants à mettre leurs caisses enregistreuses à l’abri de toute manipulation technique avant octobre prochain, ce qui est encore loin d’être le cas partout.  

« Cela revient à près de 1000 euros par appareil, et bien plus quand il s’agit d’en acheter de nouveaux », déplore le président de la fédération de l’artisanat (ZDH) auprès de l’AFP.       

Le budget devient « prohibitif pour une chaîne de boulangerie comptant 30 à 40 succursales », ajoute-t-il.

Le ministère des Finances fait lui remarquer que l’Autriche, I’Italie, le Portugal et d’autres pays européens appliquent sans problème l’impression obligatoire des reçus de caisse.

Au HDE, on rétorque que la France vient en décembre de voter sa fin progressive, à moins que le client n’exige de repartir avec un bon de caisse.