(Paris) Le retrait samedi par le gouvernement français de la mesure la plus contestée de la réforme des retraites ouvre la voie à la reprise des négociations avec les syndicats réformistes, mais les plus farouches opposants entendent poursuivre la grève, qui dure depuis plus de cinq semaines.

Le premier ministre, Édouard Philippe, les a appelés à la « responsabilité », dans des déclarations dimanche soir à l’antenne de la chaîne publique France 2.  

« Nous allons aller au bout et, au fond, tout ceux qui incitent (les grévistes) à poursuivre la grève les envoient peut-être dans une impasse […], je pense qu’ils devraient prendre leurs responsabilités », a déclaré le chef du gouvernement.

En se disant « disposé à retirer » de son projet, sous condition, la mesure incitant les Français à travailler jusqu’à 64 ans, unanimement rejetée par les syndicats, le premier ministre Édouard Philippe est parvenu à fissurer le front de ses détracteurs.

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Le premier ministre, Édouard Philippe

Les syndicats « réformistes », opposés à cette mesure « d’âge pivot » mais favorables au nouveau système à points (CFDT, UNSA et CFTC), ont salué l’annonce et se sont dit prêts à plancher avec le patronat sur le financement pérenne du système, condition posée par le gouvernemenent.

Mais les plus durs - CGT, FO et Solidaires - ont appelé à poursuivre le mouvement, qui paralyse largement les transports en région parisienne et à défiler le 16 janvier pour la sixième fois depuis le début du conflit le 5 décembre.

Le patron de la CGT Philippe Martinez (CGT) a minimisé l’impact de l’entrée en négociation de la CFDT et de l’UNSA, soulignant les divergences internes au sein de ces organisations. Il a réitéré son appel à un retrait pur et simple du projet de loi gouvernemental.

L’opposition n’est pas plus convaincue. Le « compromis » du gouvernement a été qualifié de « renoncement » par le chef de file des sénateurs Les Républicains (droite), Bruno Retailleau, pour qui « cette réforme va se terminer en naufrage ». À gauche, le patron des sénateurs socialistes Patrick Kanner a dénoncé la « navigation à vue » du gouvernement et réclamé le « retrait de la réforme ».

Pour le gouvernement, le travail doit reprendre. « Il n’y a plus aucune raison que ce mouvement de grève se poursuive », a déclaré la ministre de la Transition écologique (responsable des transports) Elisabeth Borne.

« Malheureusement il faut pas raconter d’histoires aux usagers, ça va encore être la galère lundi », a rétorqué Olivier Terriot de la CGT de la RATP, la régie des transports parisiens.  

La bataille de l’opinion

L’arrivée des feuilles de paye de janvier risque toutefois de refroidir certains salariés.

« On voit bien que des collègues veulent reprendre le travail », constatait, désabusé, un agent du métro parisien rencontré par l’AFP dans la manifestation de samedi. « Ça va être compliqué de continuer sur le plan financier […] Ça pourrait continuer s’il y avait un engagement national, mais on voit bien que le privé n’a pas suivi ».

Les salariés du secteur privé se sont peu mobilisés pour ce conflit, mené principalement par les salariés de la compagnie ferroviaire SNCF et de la RATP. Les assemblées générales de lundi donneront une indication sur la poursuite du mouvement.

Les manifestations de jeudi prochain seront aussi un test, alors que l’affluence décroît dans la rue : samedi, les manifestants étaient 149 000 selon le ministère de l’Intérieur, 500 000 d’après la CGT, soit un tiers de la participation du 9 janvier (452 000 à 1,7 million).

Gouvernement et syndicats auront aussi les yeux braqués sur les prochains sondages. « L’opinion publique soutient les grévistes », clamait samedi soir Philippe Martinez.

La « conférence de financement » qui doit se mettre en place fin janvier pour trouver un accord d’ici fin avril sur l’équilibre financier du système sera déterminante.

Gouvernement et patronat restent favorables à une mesure retardant l’âge de départ à la retraite et s’opposent à toute hausse des cotisations. Le gouvernement a également écarté une baisse des pensions, ce qui laisse une marge de manœuvre étroite aux négociateurs.

Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a évoqué d’autres pistes de financement, notamment puiser dans « le fonds de réserve des retraites » ou prendre en compte « la pénibilité de l’emploi pour différencier les âges de départ ».

Faute d’accord entre partenaires sociaux, le gouvernement reprendra la main, a averti Édouard Philippe.

« Je ne laisserai pas passer et le gouvernement ne laissera pas passer un projet de loi qui ne prévoirait pas les mesures de remise à l’équilibre », a-t-il souligné dimanche soir.