(Paris) Confronté à cinq semaines de grève contre son projet de réforme des retraites, le gouvernement français a consulté les partenaires sociaux vendredi avant d’annoncer des « propositions concrètes » pour le lendemain.

Le premier ministre Édouard Philippe a affirmé qu’il ferait des « propositions concrètes » par écrit qui pourraient être la base d’un « compromis » aux partenaires sociaux, après avoir « bien avancé » avec eux sur la réforme des retraites.

« Je veux redire la détermination du gouvernement à présenter ce projet de système universel de retraite le 24 janvier en Conseil des ministres […] », a-t-il ajouté.

Le gouvernement a dévoilé jeudi soir les détails de son projet, qui comporte l’instauration très décriée d’un âge pivot pour le départ en retraite, au cœur des réunions de vendredi pour tenter de trouver un compromis sur le financement du système.

L’idée d’une « conférence de financement » avait été suggérée par la Confédération française démocratique du travail (CFDT), premier syndicat de France, favorable au principe d’un régime « universel » par points voulu par le gouvernement, mais résolument opposée à un âge pivot.

L’exécutif veut fixer un tel âge pivot à 64 ans, assorti d’un bonus-malus, afin d’inciter les Français à travailler au-delà de l’âge légal de départ à la retraite (62 ans aujourd’hui).

Il est unanimement rejeté par les syndicats. Cependant, à l’issue de sa bilatérale avec le chef du gouvernement, le patron de la CFDT Laurent Berger avait affirmé vendredi avoir « senti une volonté d’ouverture dans la parole » de son interlocuteur sur cet âge pivot.

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Le patron de la Confédération française démocratique du travail Laurent Berger

3 milliards d’économies

Pour l’heure les deux projets de loi - l’un organique, l’autre ordinaire -, adressés jeudi soir aux caisses de Sécurité sociale et dont l’AFP a obtenu copie, gravent dans le marbre une règle « obligeant » à prévoir l’équilibre financier du futur système « universel » de retraite par points et l’« âge d’équilibre », qui permettrait de faire 3 milliards d’euros d’économies dès 2022 et 12 milliards en 2027.

Cet âge pivot sera instauré dès 2022, à moins d’une « délibération » différente avant septembre 2021 entre partenaires sociaux siégeant au sein de la future caisse nationale de retraite universelle.

Les deux textes ne sont pas de nature à amadouer les syndicats qui exigent le retrait pur et simple de la réforme et qui ont redit vendredi leur opposition au projet visant à fusionner les 42 régimes existants.

Ces organisations ont rassemblé jeudi 452 000 manifestants, selon le ministère de l’Intérieur, dont 56 000 dans la capitale, une mobilisation supérieure à celle du 10 décembre, mais en deçà de celles du 17 et surtout du 5 décembre, premier jour du mouvement.

Espérant des « manifestations massives » samedi, l’intersyndicale a appelé jeudi soir à poursuivre le mouvement mardi 14 janvier avec une « journée de grève et de convergence interprofessionnelle » et mercredi 15 et jeudi 16 avec des « initiatives déclinées sous toutes les formes ».

Imprimeries de la Banque de France en grève

À Paris, plusieurs centaines d’avocats ont manifesté vendredi au palais de justice, jetant leur robe noire et demandant la démission de la ministre de la Justice Nicole Belloubet.

Dans deux centres fiduciaires de la Banque de France, en région parisienne et dans le nord du pays, qui traitent plus du quart des billets en France, la CGT a déposé vendredi un préavis de grève « reconductible bloquante » à partir de lundi.

Le trafic ferroviaire était encore une fois perturbé, avec près d’un conducteur sur deux en grève au 37e jour de mobilisation, comme le service parisien de métro dont la plupart des lignes étaient ouvertes partiellement ou seulement aux heures de pointe.  

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Dans le secteur des raffineries, l’appel aux arrêts des expéditions de carburant est prolongé jusqu’au 16 janvier inclus, selon la CGT Chimie.

Seule une raffinerie a entamé l’arrêt de la production.  

Chez l’électricien EDF, une grève est reconduite par tranche de 24 h, avec des coupures de courant opérées dans des permanences de députés du parti présidentiel LREM, ou les basculements de clients en tarif heures creuses (moins chères) dans certaines régions, selon la CGT de l’énergie.