(Londres) Nouveau coup dur pour la monarchie britannique, la mise en retrait du prince Harry et de son épouse Meghan la pousse plus que jamais à se réinventer pour aller vers un modèle plus ouvert au monde extérieur et moins lourd.

Dans l’immédiat, cette décision choc contraint la famille royale à trouver en quelques jours un statut inédit au duc de Sussex, qui à 35 ans souhaite prendre ses distances et pouvoir gagner de l’argent tout en gardant un rôle officiel – le beurre et l’argent du beurre pour des tabloïds déchaînés.

À plus long terme, sans remettre en cause l’existence d’une institution très populaire, elle augmente la pression pour la moderniser et lui imposer une cure d’austérité. Elle met en lumière son coût, étalé dans la presse, et laisse William, frère aîné de Harry, seul pour représenter leur génération en son sein, poussant à l’extrême l’évolution voulue par leur père Charles vers une famille royale moins pléthorique.

PHOTO TOLGA AKMEN, AFP

Les princes Harry et William

William, deuxième dans l’ordre de succession d’Élisabeth II, se trouve privé d’un appui important. En raison du décès de leur mère Diana dans un accident de voiture en 1997, alors qu’ils n’avaient respectivement que 15 et 12 ans, les deux frères ont grandi en étant extrêmement proches, même s’ils s’étaient récemment éloignés.

Relégué sixième dans l’ordre de succession après la naissance des enfants de son frère, Harry n’est pas appelé à régner. Mais avec sa femme, le duc de Sussex devait occuper une place plus importante au sein de la royauté dans les années à venir, dans le cadre justement d’une famille resserrée autour de la colonne vertébrale des héritiers.

Tradition et diversité

Pour l’ancien correspondant royal pour la BBC Peter Hunt, leur décision « n’est pas une bonne nouvelle pour la famille royale », déjà affaiblie par le retrait forcé en novembre du prince Andrew en raison de ses relations avec le financier Jeffrey Epstein, accusé de trafic de mineures.  

« Au XXIe siècle, ils se sont montrés incapables d’accueillir au milieu de leurs traditions un nouveau membre issu de la diversité », a-t-il ajouté sur Channel 4.

PHOTO DANIEL LEAL-OLIVAS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

La famille royale au balcon du palais de Buckingham en juin 2018

Actrice américaine divorcée et métisse, Meghan, 38 ans, avait été dans un premier temps vue comme pouvant apporter un souffle d’air frais au sein de la famille royale, institution très appréciée des Britanniques mais quelque peu figée et éloignée du Royaume-Uni multiculturel du XXIe siècle.

Contrairement à Diana, qui s’était fiancée au prince Charles à seulement 19 ans, Meghan était considérée comme assez mature pour réaliser dans quoi elle allait se jeter, en épousant Harry à 36 ans.  

Nouvelle génération

Mais l'actrice et blogueuse n’a pas réussi à s’adapter au carcan doré de la famille royale britannique, marquée par des siècles de tradition. Elle a été très vite visée par les attaques de la presse sur ses supposés caprices ou son train de vie, exprimant ouvertement son malaise face au peu de soutien reçu des Windsor, tandis que Harry la jugeait victime de racisme de la part des médias.

À peine le retrait du couple annoncé, elle a d’ailleurs refait ses bagages pour retourner au Canada, où le couple venait de passer les Fêtes et avait laissé, selon la presse britannique, son fils Archie, âgé de huit mois.

Jusqu’ici, l’institution s’est montrée impitoyable avec ceux qui n’en respectaient pas les règles.

Après son abdication en 1936 pour se marier à Wallis Simpson, une roturière américaine deux fois divorcée, le roi Edward VIII a en effet passé le reste de sa vie en exil, en France. De même, Lady Di avait été dépouillée de son titre d’« altesse royale » en 1996, lorsqu’elle avait divorcé de Charles.  

Mais il est peu probable que la famille royale sanctionne les Sussex d’une telle façon.  

« Meghan avait réussi à capter l’attention d’une génération qui n’était autrement pas particulièrement intéressée par les Windsor. Sans elle, l’avenir de la marque [Windsor] est résolument plus difficile », écrit Gaby Hinsliff dans le Guardian.

« Pour cette seule raison », estime l’éditorialiste du journal de gauche, la couronne a donc intérêt à trouver une solution pratique à « l’arrangement inhabituel » voulu par le couple princier.