(Paris) Quatre policiers ont été placés vendredi en garde à vue après le passage à tabac à Paris d’un producteur de musique noir qui a déclenché une vague d’indignation dans le pays, précipité l’exécutif dans la tourmente et mis le feu au sein même de la majorité.

Ouverte mardi avant la diffusion des images des faits, accablantes, l’enquête judiciaire vise les fonctionnaires pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique », « faux en écriture publique » mais aussi, a précisé le parquet, pour des faits de « racisme ».

Dès jeudi, la victime, Michel Zecler avait affirmé à la presse que les policiers l’avaient insulté et traité de « sale nègre » en le rouant de coups.

Jusqu’à présent silencieux, Emmanuel Macron est entré dans l’arène vendredi. Dénonçant des images « qui nous font honte », le chef de l’État a demandé « une police exemplaire » et réclamé au gouvernement des « propositions » pour « lutter contre les discriminations ».  

PHOTO FRANCOIS MORI, ASSOCIATED PRESS

Emmanuel Macron

Cette demande est quasiment identique à celle faite en juin dernier à Christophe Castaner, alors ministre de l’Intérieur. Mais en promettant la « tolérance zéro » à l’égard des forces de l’ordre en cas de « soupçons avérés » de racisme et/ou de violences, M. Castaner avait déclenché une violente fronde des policiers. Cela lui avait coûté son poste place Beauvau où il avait été remplacé par Gérald Darmanin.

Toute la journée, l’onde choc a continué à se propager.

Après les sportifs jeudi, des artistes, comme Aya Nakamura ou Mathieu Kassovitz ont apporté leur soutien au producteur. « Agressé chez lui par la police parce qu’il est noir. Il faut appeler un chat un chat ! », s’est indigné le rappeur Stomy Bugsy.

Âgé de 41 ans, Michel Zecler est bien connu dans le milieu du hip-hop, ayant été notamment un des producteurs dès 2016 de la tournée « L’âge d’or du rap français ».

Garde à vue

Les quatre agents mis en cause ont été placés vendredi en garde à vue dans les locaux de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la « police des polices ».

Dès jeudi, ils avaient été suspendus de leurs fonctions et le ministre de l’Intérieur avait assuré qu’il demanderait leur « révocation » dès leur culpabilité établie par la justice.

Diffusée sur les réseaux sociaux par le site Loopsider, une première vidéo, vue plus de 11 millions de fois, montre Michel Zecler, tabassé pendant de longues minutes par des fonctionnaires de police, certains en uniforme, au moins un en en civil, dans l’entrée de son studio de musique parisien.

Une deuxième vidéo, révélée vendredi par le même site, montre le producteur, frappé à l’extérieur du bâtiment, devant d’autres policiers arrivés en renfort qui ont laissé faire leurs collègues.

Refusant de laisser croire que l’ensemble de la police était violente, David Le Bars (syndicat des commissaires de police), a souhaité sur CNews « que la justice agisse vite ».

Cette nouvelle bavure intervient dans un climat politique chauffé à blanc par la controverse née du texte « sécurité globale », restreignant avec son article 24 la diffusion des images des forces de l’ordre en opération, et l’évacuation musclée, déjà documentée en vidéo, d’un camp illégal de migrants lundi soir à Paris.

À la recherche de solutions

Secoués jusqu’à leur sommet, l’exécutif et toute l’institution policière cherchaient vendredi dans l’urgence une porte de sortie, à la veille de nouvelles manifestations annoncées samedi contre le texte « sécurité globale » dans un climat déjà tendu par la crise sanitaire et sociale.

Eu guise de solutions, David Le Bars a suggéré de « généraliser » au plus vite « les caméras-piéton » portées par les policiers. Une mesure promise par M. Darmanin pour 2021.

Il a également proposé que le numéro Rio d’identification des membres des forces de l’ordre et de leur unité, figure en « énorme » sur leurs uniformes afin de les identifier plus rapidement en cas de violences.

« Il ne faut pas que le ministre de l’Intérieur soit le premier flic de France », a dit en outre étonnamment M. Le Bars, alors qu’en juin dernier, les organisations syndicales avaient reproché au prédécesseur de M. Darmanin, Christophe Castaner, de ne pas assez les soutenir.

Dès son arrivée, Gérald Darmanin s’est affiché en premier soutien de ses troupes pour retisser les liens, au point d’être vite accusé par ses détracteurs « d’être pro-policiers » voire et « à la solde des syndicats ».

La consternation était générale vendredi dans les rangs de la police : « Ce n’est pas ça notre police, ma police, la police républicaine […] c’est indéfendable […] Cela jette l’opprobre sur toute une institution » (Yves Lefebvre, Unité SGP police). « Même si les images choquent, il ne faut pas que cela soit un prétexte pour dénigrer l’ensemble de l’institution policière » (Fabien Vanhelmelryck, Alliance).

Tout à sa volonté d’apaiser les tensions, l’exécutif a toutefois mis le feu à sa majorité en décidant de faire réécrire par une commission indépendante le très controversé article 24. Et cela alors même que l’Assemblée nationale a adopté mardi l’ensemble du texte, qui doit être examiné par le Sénat.

La décision du premier ministre Jean Castex a été vivement rejetée par le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, et son collègue du Sénat Gérard Larcher.