(Budapest) Avec le retour au pouvoir des démocrates à Washington, les opposants de Viktor Orban espèrent un accroissement des pressions sur la Hongrie, déjà prête à croiser le fer comme au début des années 2010.

Rejet des réfugiés, aversion des contre-pouvoirs, appétence pour les « fake news » : le style de gouvernance controversé du premier ministre hongrois, déjà en conflit avec Bruxelles, le rapprochait du président américain Donald Trump, perdant des élections de novembre.

Mais il fait l’effet d’un repoussoir à son successeur Joe Biden, qui avait déjà bataillé contre les atteintes à l’État de droit dans ce pays membre de l’Union européenne (UE) et de l’OTAN, lorsqu’il était vice-président.  

Budapest s’attend donc à des relations difficiles et a mis en garde les États-Unis jeudi contre un retour de sa politique « d’exportation de la démocratie », par la voix du chef de cabinet de Viktor Orban, Gergely Gulyas.

Apparemment, la Hongrie s’attend à être « punie » pour son soutien au Républicain et se dit « prête à se battre avec l’administration Biden », selon le politologue Peter Kreko, interrogé par l’AFP.

« Voyou »

Durant la campagne électorale américaine, le candidat démocrate avait dénoncé la main tendue par le président Trump au dirigeant controversé de ce pays de 9,7 millions d’habitants, l’accusant « d’embrasser tous les voyous du monde ».  

Viktor Orban avait été reçu en mai 2019 à la Maison-Blanche, une première visite à ce niveau depuis 2005 et le chef de l’État américain avait vanté un visiteur « respecté dans toute l’Europe » ayant fait « du bon travail ».

Ce geste amical avait alors été considéré par les commentateurs comme un renvoi d’ascenseur : Viktor Orban avait été le seul dirigeant de l’UE à le soutenir ouvertement lorsqu’il était opposé à Hillary Clinton.

En 2011, lorsqu’elle était Secrétaire d’État, elle avait tancé sa politique « autoritaire » et en 2014, dix personnalités hongroises soupçonnées de corruption avaient été interdites d’entrée sur le territoire des États-Unis.

Pour sa part, Donald Trump a « spectaculairement ignoré le recul démocratique ainsi que l’influence croissante de la Russie et de la Chine en Hongrie », estime Peter Kreko,  directeur du groupe de réflexion Political Capital.

« Pas de plan B »

Le dirigeant souverainiste hongrois, à nouveau au pouvoir depuis 2010, a tardé à féliciter Joe Biden pour sa « campagne réussie », lui souhaitant simplement « une bonne santé » et du succès.  

En septembre, il avait assuré voir en une réélection de Donald Trump la « meilleure des solutions pour l’Europe centrale » et s’était vanté d’avoir été surpris par un coup de fil du président américain alors qu’il s’affairait dans sa cuisine.  

« Il est plutôt perçu comme quelqu’un qui voit bien les choses arriver mais là, sa réputation en prend un coup », commente Peter Kreko.  

Les médias hongrois affidés au gouvernement continuent de relayer les allégations de fraude aux élections américaines.

Agoston Mraz, du groupe de réflexion Nezopont, pense que Budapest « n’a pas de plan B », même si le pragmatisme devrait finir par s’imposer.  

« Profil bas »

La Hongrie s’oppose à la mise en place d’un mécanisme permettant de priver de fonds européens les pays de l’UE accusés de violer l’indépendance de la justice et les droits fondamentaux) et les opposants à Viktor Orban prédisent, eux, un isolement croissant.

L’ONU, le Conseil de l’Europe, l’OSCE et l’UE accusent régulièrement M. Orban d’adopter des lois non conformes au droit et aux valeurs européennes.

L’ancien président du Conseil Européen Donald Tusk voit à l’horizon « la fin du triomphe des populismes d’extrême droite également en Europe ».  

Et le maire libéral de Budapest, Gergely Karacsony, a espéré que Joe Biden serait « bon pour la Hongrie », tandis que « Trump était bon pour Orban ».

Dans un contexte de pandémie posant des défis multiples à la nouvelle administration américaine, qui aura beaucoup de dossiers sur le feu, « faire profil bas » pourrait être la nouvelle stratégie adoptée par Viktor Orban, selon Daniel Hegedus, analyste au Fonds Marshall allemand des États-Unis (GMF).

« Mais c’est vrai que pour cela, il n’est pas particulièrement doué », ajoute-t-il.