(Paris) Défait de justesse, l’exubérant conservateur américain Donald Trump inspire toujours l’extrême droite française mais est devenu embarrassant pour Marine Le Pen en quête de crédibilité pour la présidentielle de 2022.

La présidente du Rassemblement national n’a pas réagi à l’annonce samedi de la victoire de Joe Biden face à Donald Trump, qui accuse ses rivaux démocrates de chercher à « voler » l’élection. Alors qu’elle s’était empressée de féliciter le républicain pour sa victoire en 2016.

Seul le numéro deux Jordan Bardella a publié un tweet dimanche dans lequel il ne se prononce pas sur le vainqueur et concentre ses attaques sur les médias.

« Quel que soit le vainqueur à l’issue des recours légaux, on peut déjà affirmer qu’il y a une perdante écrasante : la déontologie des médias. La propagande anti-Trump, de la part d’un Système qui se croit tout puissant, a atteint des niveaux jamais vus. Très inquiétant », a-t-il écrit.

La cheffe du RN, qui a envoyé une délégation de son parti aux États-Unis pour suivre les derniers jours de la campagne, n’a pas relayé les accusations de fraude de Donald Trump.

En revanche son parti n’a pas manqué de s’en faire l’écho sur les réseaux sociaux où frontistes et trumpistes partagent les mêmes doutes sur la légitimité du scrutin.

Le sénateur RN Stéphane Ravier n’a d’ailleurs toujours pas effacé son tweet publié mercredi à Washington où il proclame « la victoire » du républicain, aux côtés du controversé Steve Bannon, invité vedette du RN à son congrès en 2018.

Rassembler

Candidate déjà déclarée à la présidentielle française, Marine Le Pen s’est montrée prudente quand Donald Trump a proclamé mercredi sa victoire alors que le dépouillement des voix était toujours en cours. « L’élection est serrée », avait-elle dit sur CNews.

Désireuse de rassembler à la présidentielle et d’apparaître crédible après son débat raté de 2017 face à Emmanuel Macron, la cheffe du RN ne tient pas à ériger le turbulent républicain, qui a engrangé davantage de voix qu’en 2016, en « modèle ».

Marine Le Pen, qui a déjà modéré le ton sur le projet de loi sur le séparatisme ou prend soin de faire la distinction entre islamisme et islam, « veut apparaître comme rassembleuse. Elle ne peut pas reprendre à son compte une stratégie qui consiste à diviser », note le politologue Jean-Yves Camus.

Certes Marine Le Pen retient son rejet du multilatéralisme ou les relocalisations d’entreprises qui vont « dans le sens » des propositions du RN.  

Elle salue aussi la baisse, sous la présidence Trump, du chômage et de la pauvreté au bénéfice des « gens modestes ». Marine Le Pen peut effectivement se targuer d’avoir séduit une partie d’un électorat populaire proche de celui de Trump, que la droite classique LR peine à reconquérir.

Mais elle critique la gestion par Trump de l’épidémie de COVID-19 : elle-même n’a jamais contesté le principe d’un confinement ni le port du masque, honni au contraire par les partisans de Trump.

Outsider

À quoi bon en outre se référer à Donald Trump, qui n’a jamais porté attention aux partis populistes en Europe séduits par lui ? Marine Le Pen avait tenté en vain de le rencontrer dans sa tour, à New York, début 2017. « Le RN comme d’autres partis populistes en Europe courent depuis 4 ans après Donald Trump » qui les ignore superbement, résume M. Camus.

La référence n’est pas non plus pertinente quand le contexte en France est très différent : un pays centralisé et non pas fédéral, un suffrage direct et non indirect.

Donald Trump a en outre été investi par un grand parti de gouvernement - le parti républicain -, alors que Marine Le Pen, à la tête d’une formation qui n’a jamais accédé au pouvoir, « est davantage hors système » que lui, note M. Camus. Elle part donc avec « un déficit d’acceptabilité beaucoup plus grand ».