(Paris) Télétravail généralisé, masque de protection obligatoire dès six ans et déplacements limités : les Français se préparent à être reconfinés vendredi pour au moins un mois, afin de lutter contre la deuxième vague du coronavirus « sans doute plus meurtrière que la première ».    

« Nous avions anticipé la deuxième vague », a assuré jeudi devant les députés le premier ministre Jean Castex, qui prévoit un pic d’hospitalisation en novembre « plus élevé qu’en avril ».  

M. Castex a précisé en fin de journée les mesures de ce nouveau confinement national annoncé par le président Emmanuel Macron la veille et plébiscité par les députés (399 voix pour, 27 contre), en vigueur jusqu’au 1er décembre, avec « un point d’étape dans deux semaines ».

Ce confinement ne sera pas identique à celui très strict connu pendant deux mois au printemps par la France, au cours d’une première vague qui avait fait 30 000 morts.  

Principal changement : les crèches, écoles, collèges et lycées resteront ouverts avec un protocole sanitaire renforcé (arrivées et départs étalés…), pour permettre aux parents de continuer à travailler.

Le masque sera étendu aux enfants dès l’âge de six ans.

« La pauvreté peut aussi tuer »

Autre changement : les entreprises seront encouragées à maintenir leur activité, avec toutefois une généralisation du télétravail qui deviendra une « obligation », « pas une option », « cinq jours sur cinq ».

Les commerces « non essentiels » seront fermés, y compris les restaurants même si la vente à emporter et les commandes en ligne avec livraison seront possibles. Salles de cinéma et de spectacle baisseront aussi leurs rideaux. Les répétitions, enregistrements de disques ou tournages seront toutefois maintenus.

« Nous devons continuer à travailler autant que possible, bien entendu dans des conditions sanitaires protectrices et tout en stoppant la circulation virale », car « le chômage et la pauvreté peuvent aussi tuer », a expliqué Jean Castex.  

Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a estimé jeudi soir que le reconfinement en France allait provoquer une chute de l’activité économique de près de 15 %. Elle était de 30 % lors du premier confinement.

Les parcs et jardins ainsi que les marchés devraient rester ouverts. Les enterrements seront autorisés dans une limite de 30 personnes, les mariages pour un maximum de 6 personnes.

Il ne sera possible de quitter son domicile que « pour certaines raisons et munis d’une attestation », a expliqué le premier ministre, en détaillant les motifs : faire ses courses alimentaires, aller travailler, chez le médecin ou à la pharmacie, s’aérer ou promener son chien dans un rayon d’un kilomètre et pendant une heure, ou aider un proche en difficulté…

Les frontières internes à l’espace européen resteront ouvertes mais pas celles avec les pays hors Union européenne, sauf pour le retour de Français de l’étranger à leur domicile.

Derniers préparatifs

À la veille du couperet, les Français, résignés, faisaient leurs derniers préparatifs pour affronter le confinement qui débutera à minuit.  

Comme au printemps, le papier toilette et les pâtes étaient deux articles très prisés dans les supermarchés.

À Paris, l’affluence dans les magasins était largement supérieure à la normale. Avant l’ouverture d’un magasin d’électroménager, une quarantaine de personnes faisaient la queue.

Pierre, 40 ans, travaille dans l’informatique. Il est venu acheter « un ordinateur pour télétravailler et des accessoires pour être plus confortable ».

Haltères et tapis de yoga sont également partis comme des petits pains dans les magasins de sport.

Parce que le nouveau confinement intervient à l’heure des premiers froids de l’automne, les listes d’achats de dernière minute laissaient percer un indéniable désir d’hibernation.

Un million de personnes contaminées

« J’ai acheté des bougies “zen” très chères pour me sentir bien dans l’appartement, quand je vais rentrer du travail. Pour oublier le pincement au cœur de voir de nouveau ces rues tristes, vides », explique Mehdi Lacheb, un pharmacien de 34 ans.

Beaucoup de Parisiens ont bouclé précipitamment une valise pour quitter la capitale, comme Romain Aubugeau, 29 ans, qui s’apprête à prendre un train pour se rendre chez sa mère à Angers, dans l’ouest de la France.  

« Je ne peux pas vivre un deuxième confinement dans un studio, ce n’est pas possible », lâche ce responsable d’acquisitions dans l’automobile, grosse valise dans une main et cage à lapin dans l’autre.

La France subit de plein fouet la deuxième vague de l’épidémie avec plus de 3000 patients en réanimation, soit plus de la moitié des 5800 lits disponibles dans tout le pays.

Selon le ministre de la Santé Olivier Véran qui a appelé les hôpitaux à préparer davantage de lits de réanimation, on peut estimer à « un million » le nombre de Français porteurs du nouveau coronavirus.

La France a recensé 36 020 morts du coronavirus, selon le dernier bilan officiel diffusé jeudi soir.

Dans la classe politique, l’opposition fustigeait « l’échec » d’Emmanuel Macron, dénonçant une « absence d’anticipation » et une « épidémie hors de contrôle », tout en appelant au respect du reconfinement.