(Paris) Au même endroit, plus de cinq ans après… Une attaque au hachoir a fait deux blessés vendredi à Paris devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, en plein procès de l’attentat meurtrier qui avait visé l’hebdomadaire satirique en janvier 2015, et sept personnes ont été interpellées dont l’auteur présumé.

Le parquet national antiterroriste (Pnat) a été saisi d’une enquête pour « tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste », confiée à la brigade criminelle et à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

« Manifestement c’est un acte de terrorisme islamiste », a estimé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur France 2, déplorant « une nouvelle attaque sanglante contre notre pays ».

PHOTO GEOFFROY VAN DER HASSELT, AFP

Le premier ministre français Jean Castex (au centre), le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin (à droite) et la mairesse de Paris Anne Hidalgo (à gauche)

Interrogé par l’AFP, l’Élysée a fait savoir vendredi soir que le président Emmanuel Macron ne s’exprimerait pas sur le sujet.  

Les deux blessés appartiennent à l’agence de presse Premières Lignes dont l’immeuble, situé au 10, rue Nicolas Appert (XIe arrondissement), abritaient autrefois les locaux de Charlie Hebdo. Ils avaient déjà été les témoins impuissants de l’attaque de janvier 2015.  

Pour Gérald Darmanin la menace contre cette rue a été « sous évaluée » : il a précisé avoir demandé au Préfet de Police « pourquoi ».

« Cela s’est passé vers 11 h 45, un homme est arrivé et a attaqué avec un hachoir deux salariés qui fumaient devant l’immeuble, un homme et une femme », a déclaré à l’AFP Paul Moreira, fondateur et co-dirigeant de Premières Lignes. « L’homme et la femme ont été tous les deux très gravement blessés », a-t-il ajouté.

PHOTO ALAIN JOCARD, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des ambulanciers transportent une personne blessée sur une civière.

Une photo diffusée sur les réseaux sociaux montre un hachoir ensanglanté, qu’une source proche de l’enquête a confirmé à l’AFP comme l’arme utilisée lors de l’attaque.

La rédaction de Charlie Hebdo, désormais installée dans un endroit tenu secret de la capitale, fait l’objet de nouvelles menaces depuis que l’hebdomadaire a republié des caricatures de Mahomet le 2 septembre, à l’occasion de l’ouverture du procès des attentats de janvier 2015, qui doit se tenir jusqu’au 10 novembre.

Depuis la vague d’attentats djihadistes sans précédent amorcée en 2015 en France et qui a fait 258 morts, plusieurs ont été perpétrés à l’arme blanche, notamment à la préfecture de police de Paris en octobre 2019 ou à Romans-sur-Isère en avril dernier.  

« Odieuse attaque »

Le premier ministre Jean Castex, qui s’est rendu sur les lieux avec le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, a affirmé sa « volonté résolue, par tous les moyens, de lutter contre le terrorisme », précisant à propos des deux victimes que « leurs vies ne sont pas en danger, dieu merci ».

Un « auteur principal » a été interpellé par la police près de la place de la Bastille, a indiqué le procureur national antiterroriste Jean-François Ricard. Vendredi soir, sept personnes au total étaient gardées à vue.

Le premier suspect, né au Pakistan, est âgé de 18 ans et a été arrêté en juin en possession d’une arme blanche, « un tournevis », selon M. Darmanin. Il était arrivé en France encore mineur, il y a trois ans.

Pris en charge par l’aide sociale à l’enfance dans le Val d’Oise, il ne présentait « aucun signe de radicalisation » jusqu’à sa majorité, en août dernier, a assuré le conseil départemental.

Peu après l’attaque, un Algérien de 33 ans a également été interpellé près du lieu de l’attaque et placé en garde à vue. Des « vérifications » étaient en cours concernant ses « relations » avec le premier suspect.

C’est en fin de journée, lors d’une perquisition à Pantin (Seine–Saint-Denis) à l’un des domiciles supposés du principal suspect, que cinq hommes, nés entre 1983 et 1996, ont été interpellés et placés en garde à vue, selon une source judiciaire.

Menaces

« Toute l’équipe de Charlie apporte son soutien et sa solidarité à ses anciens voisins et confrères » de Premières Lignes « et aux personnes touchées par cette odieuse attaque », a indiqué l’hebdomadaire satirique sur Twitter.

« On est choqués, très choqués. J’étais là le 7 janvier (2015). C’était au même endroit. J’ai eu l’impression de revivre la scène. Je n’ai pas de mots », a confié à l’AFP un journaliste de Premières Lignes.

« Une fois encore c’est la liberté qui est la cible de cette barbarie », a réagi François Hollande : l’ancien président de la République a réclamé sur BFM « la mobilisation de tous les acteurs politiques » et « un consensus pour agir ».

Dans un tweet, la maire de Paris Anne Hidalgo a condamné « avec la plus grande fermeté l’ignoble attaque terroriste ».

De l’étranger, le président du Conseil européen Charles Michel et le premier ministre italien Giuseppe Conte ont exprimé leur « solidarité avec le peuple français ».

En revanche, devant les Nations unies, le premier ministre pakistanais Imran Khan a dénoncé, dans un discours pré-enregistré, « l’islamophobie » dont, selon lui, la re-publication début septembre « des croquis blasphématoires de Charlie Hebdo en sont (un) exemple récent ».

L’attaque de vendredi a eu lieu quelques jours après l’exfiltration de son domicile de la directrice des ressources humaines de Charlie Hebdo, Marika Bret, en raison de menaces jugées sérieuses.

Près d’une centaine de médias (journaux, magazines, chaînes de télévision et radios) ont publié en réaction mercredi une lettre ouverte appelant les Français à se mobiliser en faveur de la liberté d’expression.

Le 7 janvier 2015, les frères Kouachi avaient attaqué la rédaction de Charlie Hebdo à l’arme de guerre, faisant 12 morts dont les dessinateurs historiques Cabu et Wolinski, avant de prendre la fuite. Ils avaient été tués quelques jours plus tard dans un assaut du GIGN.