(Bruxelles) Quarantaines en Belgique, amendes au Royaume-Uni, interdictions de séjour en Hongrie… Le Vieux Continent se prépare à la seconde vague de façon dispersée…

Les Belges sont peut-être réputés pour leur humour, mais ils n’entendent pas à rire quand il est question de coronavirus. Surtout en cette rentrée sous tension, où plane la menace d’une seconde vague.

Après avoir été l’État le plus touché au monde par million d’habitants, la Belgique a réussi à « mater » sa courbe épidémique pendant l’été, et ne prend plus de risques par crainte d’un rebond.

Le pays a ainsi renforcé la plupart de ses mesures sanitaires, que ce soit en multipliant les tests de dépistage, en limitant le nombre de contacts à une « bulle de cinq », en imposant le masque en tout temps à l’extérieur ou en exerçant un contrôle serré des entrées sur son territoire.

De ce côté, régime strict.

Toute personne venue d’une « zone rouge », c’est-à-dire marquée par une forte circulation du virus, doit montrer patte blanche avant d’entrer au pays. Ce fut notre cas en venant de France, où les cas de COVID-19 ont connu un sérieux rebond la semaine dernière avec un pic de 9000 nouveaux cas en 24 heures.

Les autorités belges nous ont ainsi demandé de remplir un formulaire 48 heures avant notre venue, nous enjoignant d’observer une « quatorzaine » et de passer un test PCR (par prélèvement nasal) dans les jours suivant notre arrivée.

Ce n’était pas une simple formalité.

Le lendemain de notre arrivée, on nous envoie un texto nous demandant d’aller faire le test de dépistage. Deux jours plus tard, on nous appelle au téléphone pour nous demander si on a bien obtempéré, et nous dire que si ce n’est pas le cas, eh bien, monsieur, il ne faudrait pas tarder…

« Ça tombe bien, j’étais justement dans la file à l’hôpital.

— Très bien. Si vous êtes positif, on vous contacte dans les 48 heures. Si c’est négatif, dans les cinq jours.

— Et si je suis négatif, je peux arrêter ma quarantaine ?

— Hélas, monsieur. Il faut faire la quarantaine jusqu’au bout. Il y a de 30 à 40 % de faux négatifs, alors on ne prend pas de risques. »

À ce compte-là, on se dit qu’on aurait pu se contenter d’une simple quatorzaine. Mais à nos risques. Si on a bien compris, les personnes qui ne font pas le test risquent des amendes de 250 à 500 euros (de 400 à 775 $ CAN).

On a d’ailleurs reçu un autre coup de fil, vendredi, pour vérifier qu’on avait bien suivi les règles.

« Le test est fait. Mais comment allez-vous vérifier que je respecte ma quarantaine ?

— Ah ça, monsieur, je ne sais pas. Ça relève de l’armée, je crois… »

Zone rouge, zone orange

La Belgique n’est pas seule à prendre les grands moyens.

Plusieurs pays d’Europe multiplient actuellement les restrictions devant le risque d’une seconde vague, alors que s’effectue le retour des vacances.

Le problème, c’est que les disparités sont grandes entre les 27 États de l’Union européenne (UE), et que la définition d’une « zone à risque » varie d’un territoire à l’autre, ce qui cause bien des maux de tête aux voyageurs.

Ainsi, un pays peut être considéré comme en « zone rouge » par certains, mais en « zone orange » par d’autres. Les quarantaines fluctuent de 10 à 14 jours selon les territoires, de même que les exigences concernant les tests de dépistage, qui ne sont d’ailleurs pas reconnus systématiquement d’un pays à l’autre.

Enfin, le masque est obligatoire en tout temps ici, mais pas là, où il n’est que recommandé, voire carrément déconseillé…

Bref, chacun gère le truc à sa façon.

C’est notamment le cas de la Hongrie, qui vient de refermer ses frontières aux étrangers ne résidant pas dans le pays, sauf les Polonais et les Tchèques. Le pays de Viktor Orbán est pour l’instant le seul État de l’UE à avoir pris une mesure aussi radicale contre la COVID-19 en cette rentrée 2020.

Mais d’autres n’y vont pas de main morte.

Le Danemark interdit désormais l’entrée aux visiteurs venus de France, alors que le Royaume-Uni — qui ne fait plus partie de l’UE — a mis la France sur sa « liste noire » et promet des amendes de 1000 livres (1735 $ CAN) à qui ne respectera pas la quatorzaine. Les Bruxellois qui vont en Allemagne doivent par ailleurs être testés, tandis que les Parisiens venant à Bruxelles sont contrôlés, ce qui fait sourire, considérant que les Parisiens peuvent circuler librement en Italie, et que les Italiens sont les bienvenus en Belgique.

Ces contraintes ou interdictions ciblées ont forcément provoqué des frictions entre États, étant donné leurs impacts économiques.

La France s’est ainsi vengée du Royaume-Uni en le mettant à son tour sur sa liste noire. Mais bizarrement, elle n’a pas répliqué à la Belgique, qui lui réserve désormais le même traitement…

Harmoniser l’espace

L’Allemagne, qui occupe la présidence tournante de l’UE, a signifié cette semaine vouloir harmoniser les restrictions entre les pays, afin d’apaiser les tensions et de dissiper la confusion. Cela permettrait d’« éviter le chaos », pour citer David Sassoli, président du Parlement européen.

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David Sassoli, président du Parlement européen

Le document allemand propose entre autres une « analyse commune » du risque épidémiologique. Il s’agirait notamment d’adopter les mêmes « taux d’incidence » de cas de COVID-19, ce qui n’est pas le cas actuellement, certains pays privilégiant les données nationales, alors que d’autres se basent sur les données régionales.

Il s’agirait aussi d’uniformiser les codes de couleur (zone rouge, orange, verte, etc.) et la communication sur les restrictions de déplacements décidées par les États, afin que les pays « marqués » ne soient pas mis devant le fait accompli.

Sur papier, super. Mais dans les faits, ce sera un « gros défi », admet Yves Coppieters, épidémiologiste et professeur de santé publique à l’Université libre de Bruxelles. Car l’Union européenne n’a pas, jusqu’ici, montré beaucoup d’unité dans sa bataille contre l’épidémie, chaque gouvernement n’en faisant qu’à sa tête, selon ses intérêts et son degré de paranoïa.

« On n’a pas eu cette coordination et cette harmonisation au moment du confinement, où chacun a géré la situation à sa manière. Ni au moment du déconfinement, où chacun a fait à sa manière aussi, note M. Coppieters. Il faut au moins harmoniser les stratégies et surtout chercher des preuves scientifiques de leur efficacité des stratégies à l’échelle européenne et non pas seulement à l’échelle d’un pays. »

Or, pour le moment, il y a « une absence de mise en commun des ressources qui permettraient d’aller chercher au plus vite les stratégies les plus efficaces », déplore-t-il.

On peut se demander, du reste, pourquoi les mesures n’ont pas été harmonisées en juin, lors de la réouverture des frontières. Voire pendant l’été. Cela aurait évité un sérieux bazar à la rentrée.