(Minsk) Les autorités biélorusses ont entamé jeudi des poursuites pour « atteinte à la sécurité nationale » à l’encontre du « conseil de coordination » formé par l’opposition, organisme destiné à promouvoir la transition politique après l’élection présidentielle du 9 août.

Au 12e jour de cette crise qui secoue la Biélorussie, le président français Emmanuel Macron a proposé une médiation européenne entre le pouvoir d’Alexandre Loukachenko et l’opposition, en incluant la Russie, principal allié et partenaire économique de Minsk. L’UE a rejeté mercredi les résultats de la présidentielle et promis des sanctions supplémentaires contre les responsables biélorusses à l’origine de « violences, de répressions et de fraudes électorales ».

Ces initiatives n’ont pour le moment pas été suivies d’effets en Biélorussie, où les autorités s’en prennent désormais au « conseil » constitué par l’opposition dans la continuité du mouvement de protestation historique exigeant le départ d’Alexandre Loukachenko.

Ce « conseil » a déjà été dénoncé avec vigueur par le président biélorusse qui y voit une tentative de « s’emparer du pouvoir » et a menacé de « refroidir certaines têtes brûlées » en son sein.

« La création et l’activité d’un tel conseil sont destinées à la prise du pouvoir et à porter atteinte à la sécurité nationale de la Biélorussie », a renchéri dans une vidéo diffusée jeudi sur le réseau social Telegram le procureur général, Alexandre Koniouk.

Il a annoncé l’ouverture d’une enquête pour « appel à des actions visant à porter atteinte à la sécurité nationale », passible de peines allant de trois à cinq ans de prison.

L’opposition a rejeté ces accusations, dénonçant la « pression et la répression à l’encontre de citoyens pacifiques ». Elle a indiqué qu’un membre du « conseil », le juriste Maxime Znak, avait été convoqué pour vendredi matin par les enquêteurs.

La figure de proue de l’opposition, Svetlana Tikhanovskaïa, a indiqué avoir demandé à l’Estonie de soulever auprès du Conseil de sécurité de l’ONU la question des « menaces qui pèsent sur les membres du conseil » afin de les « protéger contre d’éventuelles menaces et persécutions illégales ».

Le « conseil de coordination » de l’opposition s’est réuni pour la première fois mercredi et a appelé à l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle « en conformité avec les normes internationales » et à l’« ouverture immédiate des négociations » avec les autorités.

Il comprend notamment dans son présidium la lauréate du prix Nobel de littérature Svetlana Alexievitch et Pavel Latouchko, ancien ministre et ambassadeur et l’un des plus hauts responsables biélorusses ayant pour l’instant rejoint les protestataires.

« Pas de révolutions »

Alexandre Loukachenko fait face à des manifestations quotidiennes et à un mouvement de grève déclenché à l’appel de l’opposition. Celle-ci rejette les résultats de la présidentielle du 9 août qui le donnent gagnant avec 80 % des voix.

L’Union européenne s’est dite mercredi « aux côtés des Biélorusses » et a rejeté les résultats du scrutin, à l’issue d’un sommet extraordinaire des 27.

La chancelière allemande Angela Merkel a encore regretté jeudi qu’Alexandre Loukachenko « n’a cherché à parler à aucun » dirigeant européen depuis le début de la crise. Washington a de son côté dit soutenir les « aspirations du peuple biélorusse ».

La porte-parole de l’opposante Svetlana Tikhanovskaïa, Anna Krassoulina, s’est dite jeudi auprès de l’AFP « très reconnaissante » du soutien des Européens et a appelé les hauts responsables du régime à ouvrir un dialogue avec l’opposition pour une « transition pacifique du pouvoir ».

« Nous nous engagerons dans ces négociations après un signe de bonne volonté de leur part et la libération de tous les prisonniers politiques », a-t-elle dit, promettant que les manifestations allaient continuer.

Alexandre Loukachenko, 65 ans, a rejeté à de nombreuses reprises l’idée d’un départ. Il a ordonné mercredi de renforcer les contrôles aux frontières et de faire en sorte qu’il n’y ait « plus aucun trouble à Minsk ».

Il a nommé son gouvernement, dans lequel le premier ministre Roman Golovtchenko, le ministre de l’Intérieur Iouri Karaïev et le ministre des Affaires étrangères Vladimir Makeï ont gardé leurs postes.

M. Makeï, considéré comme un modéré, a reconnu jeudi que des « changements » étaient « nécessaires » en Biélorussie, mais « pas au prix d’affrontements civils ou de révolutions ».

L’armée a annoncé jeudi de nouvelles manœuvres militaires aux frontières polonaise et lituanienne.

Après l’élection du 9 août, quatre soirées de manifestations avaient été matées par la police, faisant au moins trois morts, des dizaines de blessés et plus de 6700 personnes arrêtées, dont beaucoup ont rapporté des passages à tabac et des tortures en détention.

L’attitude de la Russie, plus proche allié et partenaire économique de la Biélorussie, sera essentielle à l’issue de la crise. Moscou a jusqu’à présent surtout mis en garde contre toute « ingérence étrangère » dans les « affaires internes » de son voisin.

« Il est clair que nous disons à Poutine que nous cherchons le dialogue » avec le président biélorusse, a encore dit Mme Merkel jeudi.