(Pristina) Au moment où le président kosovar Hashim Thaçi est attendu chez lui pour faire face à des accusations de crimes de guerre pendant le conflit avec la Serbie, ses partisans comme ses détracteurs ont défendu jeudi une cause « juste » annonciatrice de l’indépendance.

Hashim Thaçi, 52 ans, est l’ancien commandant politique de la guérilla indépendantiste albanaise kosovare (UCK) qui déclencha la rébellion contre Belgrade voici plus de vingt ans. Le Kosovo était toujours alors la province méridionale de la Serbie.

L’ex-guérilléro a été mis en accusation mercredi avec d’autres par les procureurs du tribunal spécial de la Haye pour une série de crimes présumés relatifs au conflit de 1998-99.

Ces crimes « impliquent des centaines de victimes connues d’origine albanaise, serbe et rom et d’autres origines et comprennent des opposants politiques ».  

Un juge doit encore valider ou non l’acte d’accusation qui évoque des chefs de meurtre, de disparitions forcées, de persécutions et de tortures.

Il est peu vraisemblable qu’un mandat d’arrêt soit ordonné contre le président kosovar avant une inculpation officielle, ce qui pourrait prendre des mois.  

Le président de l’ancienne province serbe a coupé court à une visite prévue ce week-end à Washington pour discuter des relations difficiles avec la Serbie. Hashim Thaçi avait initialement annoncé son retour pour jeudi, mais d’après des sources albanaises, il est probable qu’il revienne vendredi à Pristina. La présidence kosovare s’est refusée à tout commentaire.

Le chef de l’État n’a pas réagi aux accusations de la justice internationale, mais sur son profil Facebook, figure désormais le logo de la guérilla.  

Il a fait savoir par le passé qu’il était innocent et qu’il n’avait « rien à cacher ».

« Tribunal injuste »

Les amis comme les contempteurs du président sont venus au secours de la rébellion qui s’était soulevée contre Belgrade dans un conflit qui a fait 13 000 morts, pour la plupart des Albanais.

Le gouvernement a appelé au calme et rappelé la présomption d’innocence, soulignant que la guerre était une « guerre juste, de libération ».

Le tribunal spécial, une instance de droit kosovar, mais qui est composé de juges internationaux, est « injuste, car il ne juge que les combattants de l’UCK », a réagi Qazim Fazlia, retraité à Pristina. « Nous savons que c’est la Serbie qui a commis des crimes au Kosovo ».  

Le parti de gauche Vetevendosje, très hostile à Hashim Thaçi, a également souligné qu’il s’agissait d’une « guerre pure et juste. Nous la défendons, maintenant et toujours ».

Le conflit a pris fin avec une campagne de bombardements de l’OTAN emmenée par les États-Unis, qui a contraint les forces serbes à se retirer.

Des hauts responsables de l’armée et de la police serbes furent par la suite condamnés pour crimes de guerre par la justice internationale, lors du conflit durant lequel des milliers de civils albanais ont été tués, torturés ou déplacés.

Mais la guérilla est également accusée d’atrocités contre des Serbes, des Roms et des opposants albanais pendant et après la guerre.

Domination politique

Nombre de commandants de la guérilla sont devenus des acteurs dominants de la scène politique du Kosovo qui a proclamé son indépendance en 2008, toujours non reconnue par la Serbie.

D’abord comme premier ministre puis aujourd’hui comme président, Hashim Thaçi a dominé la vie politique.  

Son bras droit, Kadri Veseli, l’ancien patron des renseignements de l’UCK qui dirige aujourd’hui un parti politique fondé par le président, a également été accusé de crimes de guerre. L’intéressé dénonce des accusations « fausses ».

L’ambassadrice du Kosovo aux États-Unis, Vlora Citaku, qui est proche d’Hashim Thaçi, a écrit sur Twitter : « Quand la poussière sera retombée et quand la fumée se sera dissipée, #KLA sera toujours le mouvement de libération le plus victorieux de l’histoire moderne ».

L’ancien premier ministre Ramush Haradinaj, également un ancien guérillero, a volé au secours du président.  

« L’Armée de libération du Kosovo a mené une guerre pure, qui a débouché sur la liberté et la création de la République du Kosovo », a-t-il écrit sur Facebook.

« Nous croyons en l’innocence du président Thaçi, du président (du parti) Veseli et de tous les autres camarades », poursuit-il.