(Paris) Le bilan de l’épidémie de coronavirus en France approchait jeudi les 18 000 morts et la maladie, qui frappe jusqu’au porte-avions Charles de Gaulle, suscite de nombreuses incertitudes économiques, sociales et médicales malgré l’annonce d’un allègement progressif à partir du 11 mai du confinement imposé à la population.

Près de 670 marins, sur les 1767 membres d’équipage du groupe aéronaval fleuron de la marine française, ont été testés positifs à la COVID-19 depuis son retour anticipé en France dimanche. Un bilan temporaire, encore amené à gonfler.

L’origine de la contamination n’est pas encore connue mais les questions montent sur la gestion de la crise à bord.

Aucun cas de symptômes n’était « remonté » vers le Service de santé des armées avant l’escale du porte-avions à Brest à la mi-mars, a assuré jeudi un médecin militaire, alors qu’au moins un marin affirme sous couvert d’anonymat que le commandant avait souhaité interrompre la mission.

« Très officiellement, je démens cette information. Elle est erronée », a répondu jeudi sur RTL le porte-parole de la marine nationale, le capitaine de vaisseau Eric Lavault.  

« Il faut que les gens comprennent qu’il est hors de question de mettre en danger un équipage », a-t-il ajouté. « Le cœur du système de combat d’un navire, c’est son équipage. Donc, c’est le bien le plus précieux ».  

« Des enquêtes sont en cours. Il faut attendre le résultat », a assuré de son côté Christine Ribbe, porte-parole de la préfecture maritime de Méditerranée.

Face aux risques de transmission de la maladie dans ses entrepôts, Amazon, sommé par la justice de limiter ses livraisons aux produits essentiels sous peine d’astreinte, a fermé ses sites français jeudi.

Objectif : nettoyer les entrepôts et évaluer les risques face à la COVID-19 pendant cette période de fermeture, alors que la justice a considéré que le géant américain du commerce en ligne n’avait pas assez pris en compte la santé de ses salariés, lui ordonnant de limiter ses livraisons aux produits alimentaires, d’hygiène et médicaux.  

Gris foncé

Les inquiétudes sur la santé des travailleurs sont au cœur des préoccupations des Français, avec une reprise de l’activité prévue le 11 mai, date de l’allègement possible du confinement annoncée par le président Macron.

À ce moment-là, « on ne va pas passer du noir au blanc, on va passer du noir au gris foncé », a prévenu mercredi le président du Conseil scientifique du gouvernement devant la mission d’information de l’Assemblée sur la COVID-19.

« Il s’agit d’un continuum, il n’y aura pas un avant et un après. Il faut faire extrêmement attention à ça, sinon le virus peut repartir », a mis en garde le Pr Jean-François Delfraissy.

Des petites lueurs d’espoir apparaissent toutefois dans la crise du coronavirus, avec pour la première fois une baisse du nombre d’hospitalisations mercredi soir, avec 513 personnes de moins en 24 heures.

Le milieu médical reste cependant prudent sur l’évolution de l’épidémie qui a fait 17 920 morts dans le pays depuis le début mars, 11 060 à l’hôpital et 6860 dans les Ehpad et autres établissements médico-sociaux (où sont désormais recensés près de 40 % des morts), sans compter les décès à domicile.

Lueurs d’espoir, après le chiffre des patients en réanimation qui continue de baisser depuis le 9 avril (-209 en 24 heures), c’est le nombre total de personnes hospitalisées pour la COVID-19 qui décroit pour le deuxième jour consécutif, à 31 305 (-474).  

De « légères baisses », qui indiquent que « la circulation du virus se stabilise à un niveau élevé », a souligné le directeur général de la santé Jérôme Salomon, en appelant à ne pas relâcher les efforts, notamment en matière de confinement.

Après le 11 mai, près de 18 millions de personnes à risque, souffrant de maladies chroniques ou tout simplement âgées, devront d’ailleurs rester confinées, a souligné le Pr Delfraissy devant la commission des lois du Sénat.

Et le déconfinement devra être reporté si des conditions indispensables — un nombre suffisant de tests de dépistage et un système de traçage des contacts des nouveaux cas identifiés — ne sont pas réunies, a-t-il précisé.

Sur ce dernier point, les députés LR (opposition de droite) ont demandé jeudi un vote de l’Assemblée nationale à l’issue du débat du 28 avril sur les techniques de traçage des données des téléphones pour lutter contre l’épidémie.

Cette éventuelle reprise d’activité dans moins de quatre semaines apporte son lot de polémiques, comme celle liée à l’annonce de la réouverture des crèches et établissements scolaires, à l’exception de l’enseignement supérieur.  

Plusieurs élus locaux se refusent à rouvrir les écoles à cette date, jugeant cette décision « déraisonnable ». « Le risque est pour nous trop important. Comment faire avec les parents qui amènent les enfants à l’école ? Avec les enseignants ? Comment gérer la cuisine centrale ? », s’est interrogé notamment le maire de Montpellier Philippe Saurel (DVG).

In/Off

Les critiques sont d’autant plus virulentes que bars, restaurants et salles de cinéma resteront fermés. En outre, l’économie ne doit plus compter sur les festivals d’été, dont beaucoup ont d’ores et déjà renoncé comme les Vieilles Charrues. Le Festival de Cannes cherche de son côté la parade pour éviter à tout prix une annulation préjudiciable à la filière cinéma, réfléchissant même à une alliance avec la Mostra de Venise.

Après le « in », c’est le festival « off » d’Avignon, considéré comme la plus grande manifestation de théâtre au monde, qui a rejoint jeudi la longue liste des manifestations annulées.

De son côté, Franck Riester, ministre de la Culture, a provoqué l’« incompréhension » du syndicat du secteur en évoquant la possible tenue de « petits festivals » à partir du 11 mai.

Très attendu sur son « plan complet de sortie » du confinement, le gouvernement table désormais sur une chute de 8 % du Produit intérieur brut (PIB) en 2020. Et les créations d’entreprises se sont effondrées de 25,5 % au mois de mars, selon l’Insee.

Le plan d’urgence destiné à soutenir entreprises et salariés, a été adopté en commission à l’Assemblée. Il s’élève désormais à 110 milliards d’euros, avec notamment une prime aux soignants.

Le chômage partiel concerne maintenant 8,7 millions de salariés, a indiqué la ministre du Travail Muriel Pénicaud, « plus d’un salarié sur trois », pour un coût à ce stade de 24 milliards d’euros.