(Madrid) Le premier ministre espagnol Pedro Sanchez a entamé mercredi avec les indépendantistes de Catalogne un dialogue pour tenter de désamorcer une crise qui envenime depuis des années la politique en Espagne, et dont dépend son maintien au pouvoir.

Le gouvernement central a reçu pendant trois heures à Madrid le chef du gouvernement régional de Catalogne, l’indépendantiste Quim Torra, avec une importante délégation.

Il s’agissait d’essayer de réduire la tension après la tentative de sécession de 2017 qui a convulsé l’Espagne et conduit des dirigeants séparatistes à l’exil ou en prison.

« Cette première réunion a servi à jeter les bases du dialogue » […] et constater la nature politique du conflit et que celui-ci requiert une solution politique «, ont indiqué les deux parties dans un communiqué conjoint, après la rencontre au siège du gouvernement espagnol.  

PHOTO GABRIEL BOUYS, AFP

Le premier ministre espagnol Pedro Sanchez a accueilli le président de la région autonome de Catalogne Quim Torra au palais de la Moncloa, la résidence officielle du premier ministre d’Espagne.

M. Torra a évoqué un « débat franc et honnête » qui a également servi « à mettre en évidence les divergences et la distance entre les deux parties » .

Les indépendantistes catalans réclament le droit d’organiser un référendum d’autodétermination et ce qu’ils appellent « la fin de la répression », soit une amnistie pour les condamnés et exilés.  

Madrid n’entend accepter ni l’un ni l’autre.  

La porte-parole du gouvernement espagnol, Maria Jesus Montero, a vanté une avancée « dans la normalisation des relations institutionnelles et aussi affectives » entre les deux gouvernements, après « dix ans de confrontation et reproches » .

 « Nous sommes conscients des nombreuses choses qui nous séparent », a-t-elle admis, mais aussi « qu’il s’agit d’une négociation très complexe dont nous n’espérons pas de fruit à court terme » .

Les deux délégations ont convenu qu’un groupe de travail se réunirait une fois par mois, alternativement à Barcelone et à Madrid.

Remanier le code pénal

Aucun des deux camps ne se fait beaucoup d’illusions sur les résultats du processus.

Mais la reprise du dialogue est la condition posée par un des deux grands partis indépendantistes, la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), pour continuer à appuyer le gouvernement minoritaire de Pedro Sanchez et éventuellement voter le budget 2020.

Faire voter le budget donnerait de l’air au chef du gouvernement socialiste puisqu’un même budget peut être reconduit plusieurs années de suite.  

En revanche, se le faire retoquer par le parlement l’empêcherait d’appliquer son programme de dépenses sociales et l’obligerait à retourner aux urnes, comme il a dû le faire en 2019 quand ERC, déjà, lui a refusé ses voix.

Mais le gouvernement formé par les socialistes et la gauche radicale, Podemos, est prêt à un geste significatif : modifier dès cette année dans le code pénal le délit de sédition et alléger la peine qui le sanctionne. Si l’amendement passait, les longues peines de prison que purgent actuellement neuf dirigeants séparatistes, dont le chef de ERC Oriol Junqueras, seraient réduites rétroactivement.

Face à l’opposition de droite qui dénonce » une remise de peine déguisée «, le ministre de la Justice Juan Carlos Campo a souligné que le délit de sédition avait été introduit en 1822, dans un contexte historique complètement dépassé, et que les peines qu’il prévoit sont » inhabituellement lourdes « par rapport aux pays voisins.

Reste à voir si cet engagement suffira à convaincre ERC de soutenir Pedro Sanchez même si le dialogue ne donne pas de résultats concrets.  

Ce vieux parti indépendantiste de gauche rivalise avec un parti démocrate chrétien qui s’est fait indépendantiste en 2014.

La menace des élections

Ce grand rival, qui porte actuellement le nom de Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne), est dirigé depuis Bruxelles par l’ancien président régional Carles Puigdemont, qui a désigné son successeur Quim Torra.  

Et M. Torra a annoncé la tenue cette année d’élections régionales anticipées dont il attend de fixer la date.

M. Torra ne se rendait à Madrid qu’à reculons. Il ne peut se permettre de refuser un dialogue qui offre à sa région une chance de cesser un affrontement stérile et sans issue, mais tous s’attendent à ce qu’il convoque les élections quand il pourra dénoncer l’échec de négociations réclamées par ERC.

Le premier test de la volonté d’ERC de collaborer avec Sanchez sera le vote, jeudi, du plafond des dépenses de l’État, étape préliminaire à l’adoption du budget.