(Kiev) L’Ukraine a exigé que l’Iran punisse les coupables et indemnise les victimes après son aveu d’avoir abattu un avion de ligne, mais elle s’est aussi dite satisfaite de l’ouverture de Téhéran et de son enquête.

Le président Volodymyr Zelensky doit s’entretenir avec son homologue iranien Hassan Rohani à 17 h (10 h, heure de Montréal), puis il s’adressera à la nation ukrainienne.  

Après trois jours de dénégations, Téhéran a reconnu avoir abattu mercredi le Boeing 737 de la compagnie Ukraine Airlines International (UAI), « une erreur impardonnable ».  

Dans un message publié sur son compte Facebook peu après cet aveu, le chef de l’État ukrainien a martelé que Téhéran devait désormais s’assurer que justice soit rendue.

« Nous attendons de l’Iran […] que les coupables soient traduits en justice », « le paiement de compensations » et « le retour des corps des victimes », a écrit M. Zelensky.

PHOTO SERGEI SUPINSKY, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky

Quelques heures plus tard, Kiev a souligné que les autorités iraniennes avaient fait preuve d’ouverture « depuis le début » en donnant toutes les informations nécessaires aux experts ukrainiens déployés sur place pour faire la lumière sur les circonstances de la catastrophe.

« Prompte et objective »

« Nos spécialistes en Iran ont eu accès à toutes les photos et vidéos et aux autres informations nécessaires pour analyser les processus en cours à Téhéran », a indiqué la présidence ukrainienne.

« Nous avons suffisamment de données pour comprendre que l’enquête sera prompte et objective », a-t-elle ajouté.

Le vol PS752 reliant Téhéran à Kiev a donc été abattu très vite après son décollage, dans un contexte de tensions militaires croissantes dans la région. Ce jour-là, l’Iran avait pris pour cible des bases hébergeant des soldats américains en Irak en représailles au raid ayant tué le général iranien Qassem Soleimani.

PHOTO SOCIAL MEDIA, VIA REUTERS

General view of the debris of the Ukraine International Airlines, flight PS752, Boeing 737-800 plane that crashed after take-off from Iran's Imam Khomeini airport, on the outskirts of Tehran, Iran January 8, 2020 is seen in this screen grab obtained from a social media video via REUTERS THIS IMAGE HAS BEEN SUPPLIED BY A THIRD PARTY. MANDATORY CREDIT.

Les 176 personnes à bord ont été tuées, essentiellement des Irano-Canadiens, mais aussi des Afghans, des Britanniques et des Suédois ainsi que 11 Ukrainiens dont neuf membres d’équipage.

En 2002, un charter ukrainien effectuant un vol entre Kharkiv (centre de l’Ukraine) et Ispahan (centre de l’Iran) avait percuté une montagne sur le territoire iranien tuant les 44 personnes à bord, principalement employées ukrainiens et russes de l’avionneur Antonov.  

L’écrasement de mercredi est un traumatisme d’autant plus grand pour l’Ukraine qu’il lui rappelle la catastrophe du vol MH17 de Malaysia Airlines, qui s’est écrasé en 2014 au-dessus de la zone de conflit armé avec les séparatistes prorusses dans l’Est ukrainien, faisant 298 morts.  

Selon les enquêteurs internationaux, cet avion a été abattu par un missile BUK provenant de la 53e brigade antiaérienne russe, mais Moscou et les rebelles continuent de démentir toute responsabilité.

« Jouer à la guerre »

« L’Iran s’est avéré plus civilisé que la Russie […] Téhéran a reconnu sa culpabilité en trois jours, tandis que la Russie continue à tenter de se tirer d’affaire », a jugé sur Facebook le député ukrainien prooccidental Volodymyr Ariev.

La compagnie aérienne UAI a pour sa part reproché à Téhéran de ne pas avoir fermé l’aéroport de la capitale, à l’heure où l’Iran visait les troupes américaines en Irak.

« C’est de l’irresponsabilité absolue. Vous voulez jouer à la guerre ? Jouez-y, mais attention autour il y a des civils ! Ils étaient obligés de fermer l’aéroport ! Obligés ! Après, ils pouvaient tirer tant qu’ils le voulaient », s’est emporté lors d’une conférence de presse samedi à Kiev le vice-président de la compagnie, Igor Sosnovsky.

PHOTO VALENTYN OGIRENKO, REUTERS

Le président d' Ukraine Airlines International Yevhenii Dykhne (à droite) et le vice-président Igor Sosnovsky

Il a exigé des « aveux complets » de l’Iran car aucune mesure de sécurité particulière n’avait été décrétée. « L’équipage [du Boeing] a agi en appliquant strictement les décisions du contrôleur aérien », a-t-il dit.

« Malheureusement, notre avion s’est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment », a ajouté amèrement le patron de UAI Ievgeniï Dykhné.