(Paris) Nouveau week-end difficile pour les usagers du train et des transports parisiens, en plein chassé-croisé de vacanciers : la France a vécu samedi son 24e jour de grève, marqué par des manifestations rassemblant plus de dix mille personnes à l’appel des syndicats les plus mobilisés contre la réforme des retraites.

À l’approche du Nouvel An, la contestation sociale contre le projet de système « universel » par points voulu par Emmanuel Macron se dirige vers un nouveau record.

Désormais plus long que celui de 1995 dans les transports (22 jours), le conflit pourrait dépasser les 28 jours atteints en 1986-1987 à la SNCF, également sans trêve de Noël. D’autant que la reprise des concertations entre le gouvernement et les organisations syndicales et patronales n’est prévue que pour le 7 janvier.

En attendant, plusieurs syndicats avaient appelé à des actions locales samedi, auxquelles se sont joints des « gilets jaunes ». La CGT-Cheminots a affirmé que « des dizaines de milliers de personnes » avaient participé à ces manifestations et rassemblements pour faire « plier le gouvernement ».  

« Âge tombeau »

À Paris, environ 300 « gilets jaunes » sont partis de la place de la Bourse en soutenant des pancartes proclamant « Âge pivot, âge tombeau », en écho à l’« âge d’équilibre » assorti d’un bonus-malus que le gouvernement veut fixer à 64 ans en 2027, ou encore « Grève, blocage, Macron dégage ».

PHOTO STEPHANE DE SAKUTIN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Ils ont convergé vers la manifestation organisée par les unions régionales CGT, FO, Solidaires et FSU entre Gare du Nord et Châtelet.  

Selon la préfecture de police, 4500 personnes, dont 800 « gilets jaunes », ont participé à ce défilé qui a été ralenti par de légers incidents opposant en tête de cortège des manifestants, certains encagoulés, aux forces de l’ordre. La police a procédé à six interpellations.

« Le gouvernement doit écouter le peuple », a déclaré à l’AFPTV le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, présent dans le cortège.

« Je ne pensais pas qu’il y aurait autant de monde aujourd’hui, ça montre que les gens sont déterminés », s’est réjoui Christian. Casquette bleue de conducteur de train de banlieue sur la tête, chasuble orange de la SNCF sur le dos, ce militant de SUD-Rail est en grève depuis le début du mouvement le 5 décembre, ce qui le prive de 80 à 100 euros de salaire par jour. Les cheminots « ont obtenu des concessions, mais on continue le mouvement, car il y a des salariés du privé qui ne vont rien obtenir », déclare-t-il.

De nombreuses cagnottes circulent parmi les manifestants pour adoucir le quotidien des grévistes. Saïd Larbi, machiniste à la RATP de 39 ans, tient l’une d’elle. « Tant qu’il n’y a pas de réponse du gouvernement, il faut continuer », estime cet agent non syndiqué, « on est tous perdants ».

Dans le cortège, les familles étaient rares. Magali, enseignante parisienne en grève depuis le début du mois, est venue défiler avec son mari et sa fille, car « le monde qui attend cette dernière est inquiétant ».

« Que tout le monde s’y mette »

Des manifestations ont par ailleurs eu lieu dans de nombreuses villes en région, y compris dans de modestes localités comme Romilly-sur-Seine (Aube) et Tergnier (Aisne), où Solidaires a compté entre 400 et 600 manifestants.

À Aulnoye-Aymeries (Nord), environ 500 personnes ont défilé, selon SUD-Rail. « Pour un week-end en période de fêtes, c’est pas si mal que ça », a réagi Marc Lambert, délégué de ce syndicat, qui « attend que tout le monde s’y mette, et pas seulement les cheminots ».

Environ 200 manifestants se sont rassemblés à Toulouse, selon l’AFP, qui en a dénombré 500 à Saint-Étienne et 150 à Rennes. « Les réformes de Macron, surtout celle des retraites, c’est une honte », a tempêté dans le cortège toulousain Laurence Cornet, agente hospitalière de 62 ans et « gilet jaune ».  

Pour les voyageurs, la situation est restée compliquée, avec en moyenne 6 TGV sur 10 et 1 Transilien sur 5 en circulation jusqu’à dimanche soir, et encore six lignes de métro fermées samedi à Paris.

PHOTO FRANCOIS MORI, ASSOCIATED PRESS

La SNCF prévoit la circulation de trois TER sur dix samedi, 4 TER sur dix dimanche, et une moyenne sur le week-end de trois Intercités sur dix.

À Paris, treize lignes de métro sur seize seront fermées dimanche : les lignes 1 et 14 fonctionneront normalement et la ligne 2 ne circulera que de 8 h à 12 h. La RATP prévoit en revanche une « amélioration significative » lundi, avec 11 lignes de métro assurées partiellement et un RER A et B (zone RATP) sur deux entre 6 h 30 et 20 h.

Malgré les appels d’Emmanuel Macron, mais aussi du secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui soutient le principe d’un système universel de retraite même s’il s’oppose à l’instauration d’un âge pivot, aucune trêve n’est intervenue pour les fêtes de fin d’année.

Après des jours de silence, la prise de parole du président de la République le 31 décembre, pour ses vœux aux Français, est désormais très attendue.