(Budapest) Les capitales d’Europe centrale peuvent-elle proposer une alternative au populisme des gouvernements nationaux ? C’est le pari des maires de Budapest, Varsovie, Prague et Bratislava qui ont scellé lundi un « pacte des villes libres » pour resserrer les liens avec l’Union européenne.

Régulièrement en désaccord avec les orientations de la politique européenne, les dirigeants de Pologne, de Hongrie, de République Tchèque et de Slovaquie forment depuis plusieurs années un axe souverainiste et frondeur formalisé au sein de leur alliance régionale, le « groupe de Visegrad ».

Dans ces pays dirigés par des majorités ultraconservatrices ou des exécutifs sociaux-démocrates ayant rompu avec les valeurs de gauche, parfois épinglés pour leurs dérives antidémocratiques, l’opposition résiste et marque des points dans les capitales, mettant en évidence un clivage entre zones urbaines et campagnes.

Depuis 2018, les habitants de Budapest, Varsovie, Prague et Bratislava se sont choisis des élus qui veulent incarner une autre voie que celle du nationalisme et de la critiques des standards européens.  

Lundi, les maires des quatre cités ont franchi une nouvelle étape dans leur dissidence en concluant un « pacte des villes libres » afin de peser davantage face à leurs gouvernements respectifs.

« Nous partageons des valeurs et des priorités, nos villes resteront ouvertes, tolérantes, progressistes et à l’avant-garde du changement », a affirmé le maire centriste de Varsovie Rafal Trzaskowski, figure de l’opposition au gouvernement de droite nationaliste du PiS.

La signature du « pacte » s’est déroulée à Budapest où le nouveau maire de centre gauche, Gergely Karacsony, a remporté en octobre une victoire surprise sur le candidat du pouvoir.

M. Karacsony s’affiche depuis son élection en opposant de premier plan au premier ministre nationaliste Viktor Orban.  

« Le populisme est une réponse erronée et simpliste aux problèmes », a déclaré le maire de Prague, Zdenek Hrib, élu de 38 ans affilié au parti Pirate et critique envers le pouvoir du premier ministre et homme d’affaire tchèque Andrej Babis.

Le quatrième signataire de cette alliance est Matus Vallo, maire de Bratislava, issu du militantisme local et sans affiliation partisane dans un pays gouverné par la gauche populiste slovaque.

Dialoguer avec Bruxelles

La déclaration les engage à promouvoir « la liberté, la dignité humaine, la démocratie, l’égalité, l’État de droit, la justice sociale, la tolérance et la diversité culturelle ».

L’initiative est hautement symbolique et « envoie le message, aux citoyens de ces pays comme à l’étranger, qu’il y a une alternative, plus sociale et plus écologiste, au courant illibéral qui définit cette région ces dernières années », observe Andras Biro-Nagy, analyste du groupe de réflexion Policy Solutions.

L’alliance des quatre élus espère pouvoir dialoguer directement avec les instances de l’UE pour décrocher des fonds européens au profit des grandes villes, en contournant les administrations centrales.

« Ces dix dernières années, ces fonds sont souvent allés à des oligarques amis du gouvernement, il est scandaleux que l’argent européen finance l’autocratie et les oligarques », a déploré le maire de Budapest.

Parmi les priorités de ces capitales figurent aussi les politiques climatiques alors que les gouvernements de Pologne, Hongrie et République tchèque ont été les plus réticents à adopter l’objectif européen de neutralité carbone en 2050.

Dans sa volonté d’incarner une possible alternative à Vikor Orban, au pouvoir depuis 2010, le maire de Budapest, âgé de 44 ans, « a désespérément besoin de fonds européens versés directement à Budapest », note Peter Kreko, directeur du groupe de réflexion Political Capital.

Sous les deux derniers mandats du dirigeant hongrois, réélu pour la troisième fois d’affilée en mai 2018, la centralisation des institutions a été renforcée, cimentant le pouvoir de la majorité sur les collectivités locales. Une loi votée la semaine dernière a encore réduit l’autonomie des municipalités dans la gestion des recettes fiscales.

La maire de Budapest était en première ligne, début décembre, d’une manifestation contre une autre loi du gouvernement Orban renforçant le contrôle de l’État sur les théâtres municipaux. En République tchèque et en Slovaquie, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue ces derniers mois pour dénoncer le corruption de responsables de la majorité.