(Londres) Le premier ministre britannique Boris Johnson a remporté la majorité au Parlement britannique, son parti conservateur ayant franchi le seuil des 326 sièges gagnés sur les 650 de la Chambre des communes, selon les résultats officiels publiés vendredi.

Après dépouillement des résultats dans 600 circonscriptions, le Tories disposent de 328 députés, selon les décomptes de la BBC, de Sky News et de l’agence PA, qui confirment la large majorité conservatrice obtenue, ouvrant la voie à une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 31 janvier.

Avec un sondage sortie des urnes leur donnant une majorité inédite depuis Margaret Thatcher, et des premiers résultats leur attribuant des circonscriptions ouvrières détenues depuis des décennies par les travaillistes, le succès des conservateurs est de taille.

Ce « nouveau mandat fort […] donne à ce nouveau gouvernement l’occasion de respecter la volonté démocratique du peuple britannique », a souligné Boris Johnson, également réélu dans la circonscription d’Uxbridge et South Ruislip, à l’ouest de Londres.

Dans l’opposition, le Labour a chuté à 201 sièges (contre 262), une claque pour le leader du parti, Jeremy Corbyn, 70 ans.  

« Très déçu », le leader travailliste désormais sur un siège éjectable, a annoncé qu’il ne « conduira pas le parti aux prochaines élections » et souhaitait voir son parti entamer une « réflexion sur le résultat du scrutin et sur sa future politique ». Maigre consolation, il a été élu pour la dixième fois, dans la circonscription londonienne d’Islington nord.

« Clarification »

Chef de l’opposition le plus impopulaire jamais enregistré dans les sondages, Jeremy Corbyn a payé sa position ambiguë sur la sortie de l’UE, sur laquelle il a personnellement refusé de se prononcer. Il voulait renégocier un nouvel accord de divorce, plus social, puis le soumettre aux Britanniques avec comme alternative le maintien dans l’UE.

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Le chef du parti travailliste Jeremy Corbyn

Mais les résultats qui sont tombés au fil de la nuit ont confirmé un net recul des travaillistes, qui ont perdu des fiefs symboliques, comme la ville de Workington. Un groupe de réflexion avait identifié « l’homme de Workington », un homme blanc, âgé, sans diplôme, pro-Brexit comme l’électeur clé pour remporter le scrutin.

« Les conservateurs représentent désormais de nombreux ménages à faible revenu, des personnes qui travaillent dans les industries manufacturières et traditionnelles du centre et du nord de l’Angleterre », a dit à l’AFP le professeur Tony Travers, de la London School of Economics (LSE).

À Bruxelles, où les dirigeants européens sont réunis en sommet, la France a salué une « clarification ».

Jusqu’à présent, Boris Johnson n’avait pas réussi à faire adopter par le Parlement l’accord de divorce qu’il avait négocié avec Bruxelles, faute de majorité à la Chambre des communes.

Durant la campagne électorale, le dirigeant de 55 ans a promis de soumettre cet accord aux députés avant Noël avec l’objectif de mettre le Brexit en œuvre fin janvier.  Prévu au départ le 29 mars dernier, il a été reporté trois fois.

Boris Johnson a bénéficié d’un coup de pouce du Parti du Brexit, emmené par l’europhobe Nigel Farage, qui devrait faire chou blanc après s’être retiré de nombreuses circonscriptions pour ne pas diviser le vote pro-Brexit.  

Quel rapport avec l’UE ?

Réaliser le Brexit doit permettre de tourner la page et de s’atteler aux « priorités » des Britanniques, comme la santé, la sécurité et les infrastructures, a affirmé le chef de gouvernement.

Mais Boris Johnson devra aussi préciser quel type de relation il veut nouer avec l’Union européenne. Dès le Royaume-Uni sorti de l’UE s’ouvriront de difficiles négociations sur ce sujet, censées être conclues d’ici à la fin 2020. Mission impossible vu la complexité du sujet, estiment bien des analystes.  

Les nouveaux députés siégeront dès mardi et Boris Johnson leur déclinera son programme législatif par le biais du traditionnel discours de la reine jeudi.

Pour les pro-UE, l’espoir d’empêcher le Brexit s’est évanoui avec la défaite du Labour et l’échec des libéraux-démocrates. Ces derniers avaient fait campagne pour stopper purement et simplement la sortie de l’UE mais n’ont pas réussi à mobiliser et leur cheffe, Jo Swinson, a même perdu dans la bataille le siège qu’elle détenait depuis près de douze ans en Écosse.

À gauche, les nationalistes écossais du SNP ont bondi de 20 à 55 sièges, selon le sondage sortie des urnes. Ils comptent s’appuyer sur ce résultat pour demander un second référendum sur l’indépendance de l’Écosse, majoritairement hostile au Brexit, bien que Boris Johnson soit fermement opposé à une telle consultation.

Ne croyant pas à une avancée significative du SNP, l’ancienne cheffe des tories en Écosse, la populaire Ruth Davidson, avait promis de nager nue dans le Loch Ness s’ils dépassaient la barre des 50 élus.  Affaire à suivre.

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Ruth Davidson