(Paris) Le parquet de Paris a requis mercredi une amende de 500 000 euros contre le parti d’extrême droite Front national (FN) pour escroquerie au préjudice de l’État, dont l’avocat a réclamé 11,6 millions d’euros de dommages et intérêts.

Au cœur de cette affaire, les kits de campagne des législatives de 2012, un système soupçonné de cacher plusieurs escroqueries.

Le ministère public a requis la peine la plus lourde contre Frédéric Chatillon, proche conseiller de Marine Le Pen, présidente du FN (devenu depuis Rassemblement national) : quatre ans de prison, dont deux avec sursis, 200 000 euros d’amende et une interdiction de gestion définitive pour ce patron de la société de communication Riwal, autour duquel «tout le système tient».

Ancien président du Gud, syndicat étudiant d’extrême droite, M. Chatillon, 51 ans, est aussi accusé de s’être enrichi frauduleusement en détournant les bénéfices juteux engrangés par ses sociétés dans l’affaire.

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Jean-François Jalkh

Contre deux cadres du parti, le trésorier Wallerand de Saint-Just et le juriste Jean-François Jalkh, le ministère public a requis de la prison avec sursis, respectivement dix mois et deux ans. Il a aussi réclamé leur inéligibilité, pendant deux ans pour le premier, élu francilien, et cinq ans pour le second, eurodéputé.

«Montages fumeux», «prêts fictifs», «prix excessifs», «dépenses non justifiées» : dans un réquisitoire à deux voix, les procureurs Céline Ducournau et Nicolas Barret ont décortiqué une «litanie d’escroqueries» au préjudice de l’État, et d’«abus de biens sociaux».

Ils ont requis la condamnation du FN, pour «complicité» d’escroquerie et de tentatives d’escroqueries ainsi que «recels» d’abus de bien sociaux, «au regard de la recherche constante pour transformer une structure en une machine à faire de l’argent».

Pour l’accusation, le FN a joué, en pratique, «un rôle de premier plan» dans ce système de kits-tracts, affiches, site internet, prestations comptables… - vendus par Jeanne, dont le parquet demande la dissolution, et fournis par Riwal.

Pour l’accusation, ces kits «obligatoires», «identiques», «non-modulables», «surfacturés», cachaient une manœuvre frauduleuse du parti endetté «pour constituer des fonds à partir des remboursements prévus de l’État», qui couvre les dépenses des candidats ayant dépassé 5% des voix.

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Le ministère public a requis la peine la plus lourde contre Frédéric Chatillon.

Jeanne prêtait en effet le montant du kit, et les intérêts du prêt, aux candidats qui lui rendaient immédiatement l’argent en achetant le matériel. Cet « aller-retour comptable » permettait à Jeanne, quasi dénué de fonds propres, d’avancer presque 9 millions d’euros.

Le micro-parti attendait ensuite le remboursement de l’État pour obtenir de quoi payer Riwal, unique intermédiaire auprès des imprimeurs.

L’avocat de l’État a réclamé 11,6 millions d’euros de dommages et intérêts au titre des législatives de 2012. Cette somme, très supérieure aux amendes prévues par le code pénal, est, en cas de condamnation, beaucoup plus inquiétante pour les finances déjà mal-en-point du parti frontiste, devenu Rassemblement national en 2018.

Tenant pour responsable le président Emmanuel Macron et le premier ministre Édouard Philippe, le RN a dénoncé sur Twitter une «volonté de ces politiciens de tuer le RN, plutôt que de le laisser gagner dans les urnes!»