(Strasbourg) Strasbourg s’apprête vendredi à s’imprégner de l’odeur du vin chaud et du goût des « bredeles » emblématiques de son célèbre marché de Noël qui pour sa 450e édition aura la difficile mission de faire conjuguer au passé le traumatisme de l’attentat de 2018.

Les 300 chalets en bois disséminés dans le centre historique de la capitale alsacienne peaufinent leurs étalages, le sapin de 30 mètres domine la place Kléber et les flots de guirlandes lumineuses ont envahi ruelles et façades.

« La magie de Noël l’emporte. La vie continue et profitons de la vie », s’enthousiasment Laurent et Marie-Claude Schwartz, revenus en Alsace pour leur retraite, car « à Paris, Noël n’est pas Noël ».

Le coup d’envoi sera donné vendredi à 14 h et la féerie de Noël se prolongera jusqu’au 30 décembre, mais cette édition risque aussi de raviver le souvenir des larmes et de l’angoisse du 11 décembre 2018.

Face à un événement attirant chaque année quelque deux millions de visiteurs et après l’attaque à la voiture bélier sur un marché de Noël de Berlin en 2016, la menace terroriste était régulièrement crainte à Strasbourg.

Ce soir-là, elle est devenue réalité : peu avant 20 h, le marché de Noël s’apprête à fermer ses volets quand Cherif Chekatt pénètre dans le centre historique avec un pistolet et un couteau. Il déambule dans les rues en tuant au hasard cinq hommes et en blessant une dizaine de personnes.

Ce délinquant multirécidiviste de 29 ans, fiché pour radicalisation islamiste, s’enfuit et sera tué par la police deux jours plus tard dans le sud de la ville.

Forteresse sécuritaire

Exactement un an plus tard, une journée d’hommage aux victimes sera organisée avec l’inauguration d’un « objet mémoriel » et une cérémonie œcuménique à la cathédrale. Suivant le souhait des familles, rien d’officiel ne sera organisé aux endroits mêmes où s’est produit l’attentat.

Alors que les décorations s’apprêtent à briller de mille feux, « j’ai un peu la boule au ventre, alors que c’est normalement une période sympathique », reconnaît la patronne d’une pâtisserie dans une rue parcourue par le djihadiste en décembre dernier.

« On ne peut pas ne pas y faire référence », a admis le préfet du Bas-Rhin, Jean-Luc Marx, qui a promis « un niveau de sécurité jamais atteint », « sophistiqué et amélioré ».

Du fait de la configuration géographique de son centre historique, encerclé par deux bras de la rivière l’Ill, le cœur de Strasbourg prendra des airs de forteresse aux heures du marché de Noël. Seize ponts permettront d’y accéder en se présentant à des points de contrôle, manteaux et sacs ouverts.

Les tramways ne s’arrêteront pas sur la Grande Île, des fosses empêcheront l’incursion de véhicules, dont l’accès même pour les riverains sera fortement réduit. Et « plusieurs centaines » de membres de forces de l’ordre arpenteront les rues, en uniforme et en civil.

Concilier touristes et riverains

« On n’a pas peur, on ne va pas s’empêcher de travailler. On aime l’ambiance de Noël, c’est notre tradition en Alsace », assure Julie Adam, en train d’aménager son chalet Aux délices de Noël.

Pour l’heure, rien ne laisse anticiper une baisse de la fréquentation, mais les déplacements laborieux, couplés au déferlement de touristes du monde entier et au souvenir de l’attentat, pourraient avoir un effet repoussoir sur les habitants.

« On attend de voir si les Strasbourgeois vont venir », s’interroge une pharmacienne, qui rapporte que ces derniers jours des clients lui disent venir faire leurs courses pour ensuite ne plus mettre un pied dans le centre-ville jusqu’en janvier.

Pour tenter de satisfaire aussi les riverains, la municipalité a prévu des spectacles et animations pour les enfants et un marché de Noël « off », avec des exposants « de l’économie sociale, solidaire et respectueuse de l’environnement ».

Chaque quart d’heure, les scintillements de la flèche de la cathédrale se laisseront admirer. Loin du tumulte.