(Kiev) L’Ukraine et les séparatistes prorusses ont annoncé mardi le début du retrait de leurs troupes dans un secteur clé de la ligne de front dans l’est du pays, suscitant à Kiev des craintes de «capitulation» face à la Russie.

Le recul des troupes dans trois petits secteurs de la ligne de front est une condition préalable posée par la Russie pour le déroulement à Paris d’un sommet dit de format de Normandie, et visant à relancer le processus de paix.  

Repoussée à plusieurs reprises en raison des échanges de tirs dans cette zone, l’opération a finalement commencé mardi près de Zoloté, une localité de la région orientale ukrainienne de Lougansk, sans aucune annonce préalable et sans la présence de médias.

«Le processus de désengagement a commencé des deux côtés», a déclaré l’armée ukrainienne dans un communiqué.  

Cette information a été confirmée par les séparatistes au pouvoir à Lougansk et par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui dispose d’une mission d’observation sur le terrain.  

«Je pense que nous nous sommes fortement rapprochés» d’un sommet «dans le format de Normandie», a déclaré dans la soirée à l’agence Interfax-Ukraine le président ukrainien Volodymyr Zelensky.  

Moscou a salué l’annonce appelant à entamer sans délai la même opération à Petrivské, dernier des trois secteurs concernés. «Après quoi, sans perdre la vitesse, (il faut) lancer les préparatifs pour le sommet de Normandie», a déclaré Vladislav Sourkov, un conseiller de Vladimir Poutine, cité par l’agence Tass.  

Le désengagement, censé durer trois jours, se traduit par l’éloignement simultané d’un kilomètre de leurs positions actuelles des forces des belligérants, en vertu d’un accord signé en 2016 mais qui n’avait alors pas été appliqué.  

Prônée par le président Zelensky, qui s’empresse à rétablir la paix dans son pays depuis son élection en avril, cette idée a pourtant provoqué ces dernières semaines de vives protestations à Kiev, notamment dans les milieux patriotiques et parmi des anciens combattants de la guerre contre les séparatistes.  

Zelensky critiqué

Une organisation nationaliste a même déployé ses militants à Zoloté pour empêcher un éventuel recul des troupes ukrainiennes.

AFP

Volodymyr Zelensky

M. Zelensky s’est à plusieurs reprises rendu sur les lieux, en particulier deux jours la semaine dernière. Il y a rencontré des militaires, des protestataires nationalistes et la population dont au moins une partie est opposée au recul des soldats ukrainiens, craignant que les séparatistes ne s’y substituent.  

«Certains entretiens se sont avérés chargés d’émotions, mais je suis prêt à continuer à discuter et à chercher l’entente», a fait savoir M. Zelensky dans un communiqué samedi, à l’issue de ce déplacement. «Nous devons chercher des voies pour mettre fin à la guerre. Mais pas à tout prix […] Aucune capitulation n’aura lieu», a-t-il encore lancé.

Tous n’ont pas été convaincus.  

«Les dirigeants ukrainiens acceptent toutes les conditions posées par le Kremlin» pour obtenir une rencontre avec Vladimir Poutine, a accusé sur Facebook la députée prooccidentale Ivanna Klympouch-Tsyntsadzé. «Ce n’est pas une voie vers la paix mais une capitulation face au Kremlin».  

Un autre parlementaire pro-occidental, la star du rock ukrainien Sviatoslav Vakartchouk, a critiqué «l’erreur du président». «Le recul des troupes sans respect du cessez-le-feu total de sept jours est inadmissible», a-t-il écrit sur Facebook, alors que le ministère de la Défense faisait encore samedi état de tirs séparatistes à Zoloté.  

À l’appel d’anciens combattants et des nationalistes, quelque 300 Ukrainiens ont protesté dans la soirée devant la présidence contre le retrait des troupes en scandant : «Non à la capitulation!».

L’Ukraine est en proie depuis plus de cinq ans à un conflit militaire avec les rebelles pro-russes, soutenus par Moscou, qui a fait près de 13 000 morts. Malgré une baisse considérable de l’intensité des violences depuis des accords de paix en 2015, le processus de règlement politique est au point mort.  

Les sommets de format de Normandie qui réunissent les présidents ukrainien, russe, français et la chancelière allemande sont paralysés depuis 2016. Une nouvelle réunion des quatre dirigeants a été annoncée par la France pour septembre, mais n’a jamais eu lieu. Mardi, Kiev a dit «espérer» qu’elle pourrait se dérouler en novembre.