(Moscou) Emprisonné depuis bientôt un an en Russie et accusé d’espionnage, l’Américain Paul Whelan a estimé jeudi être un otage en vue d’un éventuel échange de prisonniers, au moment où sa détention était prolongée de deux mois.

Dans la cage des prévenus du tribunal de Lefortovo à Moscou, cet homme de 49 ans, qui cumule aussi les nationalités britannique, irlandaise et canadienne, a brandi une lettre manuscrite qu’il a ensuite lue au tribunal.  

«La Russie dit qu’elle a arrêté un James Bond en mission d’espionnage, en réalité ils ont kidnappé Mister Bean en vacances», a-t-il proclamé, en référence au célèbre espion de fiction et au personnage maladroit joué par le Britannique Rowan Atkinson.

Interrogé sur les raisons de ses déboires et pour savoir s’il se sentait otage en vue d’un possible échange de prisonniers, il a répondu : «C’est comme ça que je le caractériserais».

Son frère, David, interrogé aux États-Unis, a pour sa part dit avoir le sentiment qu’un tel échange pourrait peut-être se faire un jour, au regard de récentes déclarations du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, faisant une liste de ressortissants détenus aux États-Unis et que Moscou aimerait voir rentrer au pays.

«Ils pourraient être ouverts à un échange, autrement ils vont juste laisser la procédure suivre son cours», a-t-il dit.  

Des échanges de prisonniers ou d’espions entre la Russie et les États-Unis ou d’autres pays ont eu lieu par le passé de manière assez régulière.

Menotté, menacé

Jeudi, l’audience a abouti à la prolongation de deux mois, jusqu’au 29 décembre, de la détention provisoire de Paul Whelan.  

Lors de l’audience, il a en vain réclamé que le juge et le procureur se récusent. «Les décisions judiciaires sont toujours prises en faveur du parquet et du FSB» services de sécurité russes, ex-KGB, s’est-il exclamé.

Cet ancien militaire de 49 ans, qui a quitté l’armée sans gloire, a été arrêté à Moscou le 28 décembre 2018 dans un contexte déjà lourd d’affaires de ce type entre la Russie et les Occidentaux. 

Les services de sécurité russes affirment l’avoir interpellé «pendant qu’il commettait un acte d’espionnage», ce qu’il dément. Il encourt une peine pouvant aller jusqu’à 20 ans de réclusion.

Son avocat affirme que son client a été piégé par une connaissance qui lui aurait transmis une clé USB contenant ce que Paul Whelan pensait être des photographies prises lors d’un séjour précédent en Russie en sa compagnie.

Vêtu d’un jean et d’un pull bleu marine jeudi, M. Whelan a aussi dénoncé à l’audience les mauvais traitements en prison dont il aurait été victime, racontant avoir été «menotté, tenu au sol par un garde avec un pistolet et agressé».

«Besoin d’être opéré»

Son frère David a exprimé sa préoccupation pour l’état de santé de Paul Whelan qui souffre d’une hernie de l’aine.

«Nous sommes préoccupés par le fait que son hernie s’aggrave», a déclaré David Whelan. Paul «a besoin d’être opéré».

Mais l’avocat de Paul Whelan, Vladimir Jerebenko a dit que son client avait refusé de subir une intervention malgré une proposition des médecins russes.

Parallèlement, aux États-Unis, une ressortissante russe dont Moscou réclame la libération depuis plus d’un an, Maria Butina, doit être libérée vendredi après avoir purgé environ la moitié de sa peine de 18 mois de prison.

AP

Maria Butina

Arrêtée en juillet 2018, elle la seule ressortissante russe condamnée dans l’enquête sur les interférences de Moscou dans la politique intérieure américaine.

Selon la justice américaine, Mme Butina avait tissé des liens avec la National Rifle Association, lui permettant d’entrer en contact avec le président américains Donald Trump avant son élection ainsi qu’avec un de ses fils.

La justice américaine avait estimé que, malgré l’absence de liens entre l’accusée et les services de renseignement russes, elle faisait partie d’un complot du Kremlin visant à infiltrer et perturber le système politique américain, notamment lors de l’élection de 2016 qui a vu la victoire de Donald Trump.