(Strasbourg) Les responsables de l’UE ont appelé Londres à ne «pas faire semblant de négocier» pour éviter un divorce brutal du Royaume-Uni avec l’UE, prévenant les eurosceptiques britanniques qu’ils devraient rendre des comptes à leurs concitoyens.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a mis en garde contre «le risque d’un “no deal” qui reste très réel», lors d’une séance plénière au Parlement européen à Strasbourg.  

«Ce sera peut-être le choix du gouvernement du Royaume-Uni, mais ce ne sera jamais le choix de l’Union européenne», a dit M. Juncker, régulièrement interrompu par les huées des eurodéputés britanniques pro-Brexit, qu’il a salués ironiquement comme ses «fans».

Ceux-ci ont aussi eu droit à une mise en garde du négociateur en chef de l’UE pour le Brexit, Michel Barnier, qui les a prévenus qu’ils devraient «rendre des comptes aux citoyens» de leur pays. «Les citoyens britanniques, comme les autres citoyens européens, ont droit à la vérité sur les conséquences du Brexit, toutes les conséquences qui sont beaucoup plus graves […] que vous ne voulez bien le dire», a lancé M. Barnier.

À six semaines de la date prévue pour le divorce, le 31 octobre, «il ne s’agit certainement pas de faire semblant de négocier», a-t-il aussi averti, une critique voilée de Boris Johnson, accusé dans son pays de manquer de sérieux dans les discussions.

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Le leader des pro-Brexit, l’eurodéputé Nigel Farage, discute avec Jean-Claude Juncker.

«Très peu de temps»

M. Juncker, qui doit passer le flambeau de l’exécutif européen le 1er novembre à l’Allemande Ursula von der Leyen, voulait toujours croire à un accord : «Je ne suis pas sûr que nous réussirons, il nous reste très peu de temps, mais je suis sûr que nous devons essayer».

Dans un communiqué, Downing Street a fait savoir que le premier ministre britannique avait appelé le président de la Commission dans l’après-midi et que les deux hommes avaient discuté «de leur détermination commune à parvenir à un accord».

Interrogée par la presse à Berlin, la chancelière Angela Merkel a de son côté minimisé les conséquences de la rencontre infructueuse Juncker-Barnier-Johnson de Luxembourg lundi, assurant qu’elle continuait de croire à la possibilité d’«une sortie ordonnée».

Plus de trois ans après le référendum qui a vu les Britanniques voter à 52% pour une sortie de l’Union européenne, le Brexit n’en demeure pas moins un casse-tête.

Boris Johnson envisage ouvertement un divorce sans accord, malgré des prévisions alarmantes de son propre gouvernement, de pénuries alimentaires, de médicaments et de risques de troubles de l’ordre public.

Les discussions achoppent toujours sur la question irlandaise.

Londres exige la suppression du «backstop» ou filet de sécurité, la clause de sauvegarde prévue pour empêcher le retour d’une frontière physique entre l’Irlande du Nord, province britannique, et la république d’Irlande.

Dans ce cas, l’UE réclame à Londres des solutions alternatives au «backstop» prévu pour maintenir le Royaume-Uni dans un «territoire douanier unique» à défaut d’autre solution.

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Boris Johnson a visité un hôpital mercredi à Londres.

«Cela ne suffit pas de nous expliquer pourquoi il faudrait supprimer le “backstop”», a averti Michel Barnier, expliquant qu’il y avait derrière ce mécanisme «des garanties très concrètes dont tous les citoyens irlandais ont besoin», ainsi que «pour la santé et la sécurité des consommateurs des 27».

Lors du débat qui a suivi, le leader des pro-Brexit, l’eurodéputé Nigel Farage, a accusé Michel Barnier d’avoir voulu «depuis le début les coincer (les Britanniques) à l’intérieur» du marché unique.

Juste avant lui, une eurodéputée nord-irlandaise du Sinn Fein, parti républicain qui milite pour une Irlande réunifiée, Martina Anderson, est intervenue dans l’hémicycle en brandissant son passeport irlandais, vêtue du maillot vert de James McClean, un joueur de soccer né en Irlande du Nord mais qui a choisi de représenter la République d’Irlande lors des matchs internationaux.

«Des raisons valables» pour un report

Le Royaume-Uni espère progresser suffisamment dans les discussions pour faire du sommet européen du 17 octobre une étape cruciale pour finaliser un nouvel accord.

Tout éventuel nouvel accord avec Londres ne pourra entrer en vigueur sans l’aval du Parlement européen.

Les eurodéputés ont eux voté massivement une résolution mercredi sur le Brexit. Le texte reste fidèle aux positions du Parlement : tout faire pour éviter un «no deal», réaffirmer que l’accord déjà négocié est «juste et équilibré», et souligner qu’un nouveau report ne sera soutenu que si «des raisons et un objectif valables existent».